Le Japon a annoncé dimanche une aide de un milliards de dollars en cinq ans pour stabiliser la région du Sahel, afin de rassurer des entreprises nippones tentées par le marché africain, mais inquiètes depuis une sanglante prise d'otage dans le sud algérien.

Ce soutien financier entre dans le cadre d'un paquet de 14 milliards d'aide publique au développement sur cinq ans pour le continent, annoncé samedi à l'ouverture de la conférence internationale de Tokyo pour le développement de l'Afrique (Ticad) à laquelle participent une quarantaine de chefs d'État et de gouvernement africains.

Le premier ministre japonais, Shinzo Abe, a détaillé la partie de cette assistance dédiée à la vaste zone comprise entre l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne et qui englobe des territoires de nombreux pays dont le Mali, la Mauritanie, le Niger, l'Algérie, le Tchad, le Soudan et la Libye.

Le Japon attache beaucoup d'importance à cette région, particulièrement depuis une prise d'otages mi-janvier au complexe gazier d'In Amenas dans le sud de l'Algérie, au cours de laquelle dix de ses ressortissants avaient été tués, traumatisant le Japon.

Cette assistance sera consacrée à «l'alimentation, l'éducation et la santé, avec également un soutien pour les femmes et les jeunes», a précisé M. Abe, pour qui «cela ramènera l'espoir d'un développement économique dans la région et contribuera ainsi à sa stabilité».

Le Japon va fournir en outre un soutien distinct spécifique à la lutte contre le terrorisme et au maintien de la sécurité sur place, pour lesquels il formera 2000 personnes.

Parmi les pays du Sahel confrontés à des troubles, le Mali fait l'objet d'une attention particulière et une force onusienne de 12 600 hommes doit y prendre le relais des quelque 4000 soldats français déployés en janvier qui ont chassé du nord du pays - avec l'appui de contingents d'Afrique occidentale - les groupes armés islamistes qui avaient conquis ce vaste territoire.

Le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, a souligné dimanche que les conditions sécuritaires s'amélioraient peu à peu dans la région, autant grâce aux interventions armées qu'aux efforts pour améliorer les conditions alimentaires et d'emploi des populations.

Mais le haut-commissaire de l'ONU aux réfugiés, Antonio Guterres, a prévenu que la vulnérabilité des populations, au Mali et dans les autres régions du Sahel, devait rapidement être prise en charge pour «éviter une série de crises de la Libye au Nigéria et de l'Océan Atlantique au Golfe d'Aden».

Katsumi Hirano, chercheur à l'Institut japonais des Économies en Développement, a jugé que la promesse de M. Abe était de ce point de vue «importante pour montrer l'engagement du Japon à participer aux efforts de paix en Afrique», tant aux Africains qu'aux Japonais eux-mêmes, alors que justement des investisseurs nippons s'inquiètent des risques sécuritaires.

Si la sécurité est garantie, les firmes nippones pourraient doubler leur nombre d'employés en Afrique de 200 000 à 400 000 en cinq ans d'après Tokyo, des investissements perçus comme nécessaires au déclin d'une pauvreté qui fait le lit du terrorisme.

«Les gens doivent avoir à manger, de quoi travailler!», a souligné le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-Moon. «Sinon, il y aura toujours des plaintes et des griefs contre les gouvernements, ce qui peut conduire à de l'instabilité politique».

Or si les entreprises japonaises hésitent à se lancer, leurs homologues chinoises n'ont pas ces états d'âme, au point de créer un sentiment d'urgence au Japon sur la nécessité de ne pas laisser à la Chine l'essentiel des ressources africaines.

À Yokohama, les dirigeants africains ont exhorté les entreprises japonaises à ne pas manquer les opportunités créées par la croissance solide du continent (5% par an en moyenne depuis une décennie) et le président de l'Union africaine, Hailemariam Desalegn, a rappelé que les «nouveaux venus» n'attendaient pas, sans citer nommément les Chinois.