Une quarantaine de personnes, dont huit policiers, ont été blessées vendredi matin au cours d'affrontements interethniques à Bukavu, capitale de la province instable du Sud-Kivu, dans l'est de la République démocratique du Congo, a-t-on appris de source officielle.

«On compte une quarantaine de blessés, au nombre desquels 8 policiers», a déclaré à l'AFP vendredi après-midi le gouverneur du Sud-Kivu, Marcellin Cishambo, après une visite des centres de santé où sont prises en charge les victimes.

Un précédent bilan s'élevait à 19 blessés, selon la police et des sources hospitalières.

Selon des témoins, les heurts se sont déroulés dans un quartier de la commune d'Ibanda, siège de nombreuses activités administratives.

«Tout a commencé tôt ce matin, vers 23 h (3 h GMT), quand un groupe de jeunes de l'ethnie banyamulenge ont barricadé la principale artère, empêchant ainsi les élèves de se rendre à l'école et bloquant toutes les autres activités», a expliqué un témoin à l'AFP.

«Tout est parti d'une dispute ce jeudi tard dans la soirée, quand un Congolais a blessé un autre Congolais de l'ethnie banyamulenge. C'est pour venger l'un des leurs qu'ils (les Banyamulenge) ont placé des barricades tôt ce matin», a-t-il ajouté.

Vendredi, plusieurs personnes ont dit à l'AFP qu'une église où prient des fidèles banyamulenge avait été brûlée et pillée dans la matinée.

«Par crainte de la situation, plusieurs écoles ont renvoyé les élèves à la maison», a confié Donat Ngangu, un parent accompagné de ses 2 enfants qu'il venait de récupérer au collège Alfajiri.

«Chaque camp a recouru à ses frères dans les affrontements à l'arme blanche, qui frisent la haine ethnique et qui font craindre un chaos dans l'avenir si les autorités n'y prennent pas garde», s'est inquiété auprès de l'AFP un membre de la société civile, qui a requis l'anonymat.

En début d'après-midi, le calme régnait à Bukavu.

Dans la commune d'Ibanda, la police mène des patrouilles. Une réunion s'est ouverte en la résidence du gouverneur de la province, Marcellin Cishambo, avec notamment les chefs des deux groupes impliqués dans les affrontements.

La rébellion Mouvement du 23 mars (M23) a dénoncé vendredi les «exactions sélectives» qui ciblent selon elle les Tutsi congolais.

Le M23, actif au Nord-Kivu, «condamne les exactions sélectives en cours présentement dans la partie est du pays plus précisément dans les villes de Bukavu et de Goma», écrit dans un communiqué Amani Kabasha, chargé de communication du M23.

Depuis jeudi à Bukavu, «des hordes de jeunes manipulées et payées par les autorités locales (...) ont commencé à prendre à partie les étudiants banyamulenge qui ont été tabassés, mutilés et ont subi des traitements dégradants, en violation des droits et de la dignité de la personne humaine».

«Certains y ont trouvé la mort par suite des coups, d'autres ont été brûlés dans les églises», accuse-t-il, qualifiant les exactions d'«épuration ethnique» et d'«actes de génocide».

Les Banyamulenge sont des Tutsi congolais d'origine rwandaise. Leur nationalité congolaise a souvent été remise en cause par le pouvoir de Kinshasa Depuis les années 1990, la question des Banyamulenge, et des Tutsis plus largement, est au coeur de nombreuses problématiques politico-militaires, dans les deux provinces du Kivu.

À Goma, le M23 affirme que des «dizaines» de «Banyarwanda» (population composée de Hutu et Tutsi vivant au Congo, originaires du Rwanda parfois depuis la colonisation pour travailler)  ont été arrêtées.

«Des critères liés à la morphologie, à la langue kinyarwanda, au teint sombre, à l'âge (compris entre 16 et 26 ans) ont été retenus par les autorités de Kinshasa, comme éléments essentiels du portrait-robot des personnes appartenant au M23», ajoute Amani Kabasha.

Des combats ont éclaté lundi entre M23 et armée régulière près de Goma. Kinshasa et l'ONU accusent le Rwanda voisin d'alimenter en hommes et matériel le M23, ce que Kigali dément.