Le Nigeria a reconnu jeudi détenir des enfants en lien avec l'insurrection islamiste qu'il combat dans le nord-est du pays, mais prévoit de les libérer dans le cadre d'un geste d'apaisement annoncé plus tôt cette semaine.

Mardi, le gouvernement avait promis de libérer certains suspects en lien avec des activités «terroristes», dont toutes les femmes, mais n'avait pas mentionné les enfants.

«L'ordre de libération des détenus va être exécuté par phases», indique dans le communiqué du gouvernement publié jeudi Doyin Okupe, conseiller du président Goodluck Jonathan. «Dans la première phase, l'accent va être mis sur les femmes et les enfants détenus pour leur implication présumée et/ou leurs liens avec l'insurrection dans certaines régions du pays».

M. Okupe n'a pas répondu aux appels de l'AFP qui n'a donc pas pu obtenir plus de détails à ce sujet.

Le groupe islamiste Boko Haram a réclamé à plusieurs reprises la libération de femmes et d'enfants retenus en prison.

Son chef présumé, Abubakar Shekau, a affirmé récemment dans une vidéo que le groupe tenait en otages des femmes et des enfants en représailles à la détention par les militaires nigérians de femmes et d'enfants de membres de Boko Haram. «Tant que nous n'aurons pas vu nos femmes et enfants, nous ne relâcherons jamais ces femmes et enfants», menaçait-il.

Cette promesse de libération intervient au moment où l'armée nigériane mène une vaste offensive contre les insurgés islamistes dans le nord-est du pays pour tenter de mettre fin aux violences qui secouent cette région depuis 2009.

L'état d'urgence a été décrété la semaine dernière dans trois États du Nord-Est et les lignes téléphoniques ont depuis été interrompues dans quasiment toute la zone.

Le Nigeria a été accusé à de nombreuses reprises de graves violations des droits de l'homme, dont des arrestations arbitraires, des détentions illégales et des exécutions extra-judiciaires, dans sa répression des islamistes.

Selon l'ONG Human Rights Watch (HRW), les attaques de Boko Haram et la répression de l'insurrection par les forces de sécurité ont fait 3600 morts depuis 2009.

L'organisation londonienne Amnesty International a publié jeudi un communiqué dans lequel elle demande aux autorités nigérianes de ne pas profiter de l'état d'urgence pour commettre de nouveaux abus.

«Ces dernières semaines, les habitants de l'État de Borno, dans le nord du Nigeria, ont dit à Amnesty International que les arrestations de masse avaient augmenté à Maiduguri, la capitale de cet État», explique le communiqué. Maiduguri est aussi considérée comme le fief historique de Boko Haram.

«Des individus à bord de véhicules de l'armée ont déposé des corps presque tous les jours aux morgues de la ville. Le gouvernement ne semble pas mener d'enquête sur ces morts», s'inquiète Amnesty.

Selon Shehu Sani, défenseur des droits de l'homme basé à Kaduna (nord), la libération de détenus a peu de chances d'améliorer la situation.

Certains des détenus sont en prison depuis plusieurs années, dit-il, et ils pourraient être remplacés par de nouveaux prisonniers.

«Ça n'a pas de sens de libérer quelques personnes détenues depuis trois ou quatre ans et de procéder à des arrestations massives dans le même temps», estime M. Sani. «Cela revient plus ou moins à remplacer ceux qu'on libère par ceux que l'on arrête».