Le rassemblement du groupe salafiste Ansar Ashariaa prévu dimanche à Kairouan, dans le centre de la Tunisie, a été interdit par le gouvernement qui a menacé de sévir contre ceux qui défieront l'autorité de l'État.

«Nous avons décidé d'interdire ce rassemblement en raison d'une violation de la loi et de la menace qu'il représente pour la sécurité et l'ordre public», a indiqué le ministère de l'Intérieur dans un communiqué.

«Tous ceux qui défieront l'autorité de l'État et de ses institutions, ceux qui tenteront se semer le chaos, ceux qui inciteront à la violence et à la haine en porteront toute la responsabilité», a averti le ministère.

Il a encore menacé de représailles «tous ceux qui tenteront de s'attaquer aux forces de l'ordre» et assuré que la police et l'armée étaient «hautement mobilisées».

Le chef du parti islamiste au pouvoir Ennahda, Rached Ghannouchi, avait affirmé cette semaine que le gouvernement allait interdire le congrès annuel d'Ansar Ashariaa,  le principal groupe salafiste jihadiste, qui en retour avait appelé «40 000 partisans» à défier les autorités et à aller dimanche à Kairouan.

Un porte-parole d'Ansar Ashariaa (les partisans de la loi islamique), Seifeddine Raïs, a mis en garde jeudi le pouvoir contre «toute intervention de la police pour empêcher» le rassemblement, estimant que le gouvernement serait «responsable de toute goutte de sang versée».

Le mouvement n'a «pas besoin d'autorisation pour prêcher la parole de Dieu», selon lui.

Bras de fer

«On n'accepte pas les menaces de mort et l'incitation à la haine, on n'acceptera pas de se faire traiter de tyrans», a rétorqué vendredi le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou.

Il a appelé Ansar Ashariaa «à la sagesse, à s'intégrer à la vie politique, à accepter l'autre et à renoncer à la violence verbale et physique».

«Nous ne voulons pas la confrontation (...)  Nous n'avons pas fermé leurs mosquées, nous ne les avons pas empêchés de faire de la prédication. Ce sont eux qui sont passés à la surenchère», a-t-il souligné.

Vendredi soir, Ansar Ashariaa a diffusé des consignes à ses partisans.

«Nous conseillons à nos frères qui viennent à Kairouan de se déplacer en groupe et de ne pas se séparer, car les agents du tyran bloquent la majorité des carrefours et provoquent nos frères», a-t-il dit sur sa page Facebook.

La semaine dernière, le chef d'Ansar Ashariaa, Saif Allah Bin Hussein dit Abou Iyadh, un vétéran d'Afghanistan ayant combattu avec Al-Qaïda, avait déjà menacé de «guerre» le gouvernement et accusé Ennahda de mener une politique contraire à l'islam.

Emprisonné sous le régime déchu de Zine El Abidine Ben Ali, puis libéré par une amnistie décidée après la révolution de 2011, Abou Iyadh est en fuite depuis l'automne 2012, les autorités le soupçonnant d'être l'organisateur de l'attaque en septembre de l'ambassade américaine à Tunis (quatre morts parmi les assaillants).

Le bras de fer entre le gouvernement et les groupuscules salafistes, jusqu'alors tolérés, s'est accentué après que les autorités ont admis la présence de combattants d'Al-Qaïda en Tunisie.

Les forces de sécurité et l'armée pourchassent depuis fin avril des groupes armés retranchés sur les massifs ouest du pays, près de l'Algérie. Lors des opérations, seize militaires et gendarmes ont été blessés par des mines artisanales sur le Mont Chaambi, près de Kasserine (centre-ouest).

Le porte-parole d'Ansar Ashariaa a nié toute implication de son groupe et d'Al-Qaïda dans le maquis de Chaambi.

Les salafistes sont responsables de nombreux coups d'éclat et de violences, selon les autorités, alors qu'Ennahda est accusé par l'opposition d'avoir fait preuve de laxisme face à cette mouvance rigoriste de l'islam sunnite.

L'ambassade américaine à Tunis a appelé ses ressortissants à éviter Kairouan durant le week-end évoquant «de possibles confrontations».