L'armée nigériane a déployé 2000 soldats et a lancé une offensive dans le Nord-Est pour reconquérir des zones tenues par les islamistes de Boko Haram, selon une source militaire jeudi, ce qui suscite les fortes inquiétudes de la population exposée aux affrontements.

Cet assaut fait suite à l'annonce, mercredi, par l'armée, d'un déploiement «massif» de troupes dans les États voisins de Borno, Yobe et Adamawa afin de chasser les membres de la secte qui veut créer un État islamique dans le nord du pays.

«Nos hommes ont mené une offensive contre des camps terroristes dans la réserve de Sambisa (dans l'État de Borno)», a déclaré une source militaire à l'AFP sous couvert d'anonymat. «Pour l'instant 2000 soldats ont été déployés dans l'État de Borno», a-t-il précisé, sans donner de détails sur les effectifs déployés dans les deux autres États concernés par cette opération.

Le président nigérian Goodluck Jonathan avait déclaré mardi l'état d'urgence dans ces trois États frappés par les attaques du groupe islamiste Boko Haram, en assurant que des «mesures extraordinaires» étaient nécessaires pour répondre à la violence croissante.

Dans une vidéo reçue lundi par l'AFP, le chef présumé de Boko Haram, Abubakar Shekau, avait revendiqué deux attaques très meurtrières dans l'État de Borno : celle de Baga, le 16 avril, qui avait été suivie d'une violente répression par l'armée, ayant fait au total 187 morts et celle de Bama menée le 7 mai, qui s'était soldée par au moins 55 morts.

Le président a présenté comme «une déclaration de guerre» les dernières violences revendiquées par le groupe et il a pour la première fois reconnu que Boko Haram avait pris le contrôle de certaines parties de l'État de Borno.

Des habitants des trois États concernés ont dit avoir déjà constaté une augmentation du nombre de soldats sur place.

Dans la petite ville de Marti (Borno), non loin de la frontière tchadienne, Zangina Kyarimi a dit à l'AFP avoir constaté que «des unités militaires importantes» étaient arrivées dans la nuit de mercredi à jeudi.

«J'ai vu des dizaines de véhicules militaires et des camions ainsi que des tanks», a-t-il déclaré par téléphone depuis cette ville considérée comme un des fiefs de Boko Haram.

«Nous craignons ce qui risque d'arriver dans les prochains jours, nous pensons partir», a-t-il poursuivi.

Les forces de l'ordre ont demandé jeudi aux banques de fermer dans la ville de Gashua, dans l'État de Yobe, où des membres présumés de Boko Haram avaient mené des attaques contre la police et plusieurs bâtiments le 26 avril, a rapporté Musa Saminu, un habitant.

«Environ 30 véhicules militaires ont traversé la ville (...), ils étaient très armés», a-t-il déclaré à l'AFP. «Certains d'entre eux sont allés voir les banques et leur ont demandé de fermer par précaution».

Selon Nwakpa O. Nwakpa, porte-parole de la Croix-Rouge, l'organisation humanitaire est prête à apporter son soutien aux civils touchés par l'opération militaire.

Les forces de l'ordre nigérianes ont été accusées de violations des droits de l'homme dans leur répression de l'insurrection islamiste et pourraient être accusées de crimes contre l'humanité, selon Human Rights Watch.

Le département d'État américain a mis en garde le Nigeria mercredi, estimant que toute action portant atteinte aux droits de l'homme durant cette opération militaire aurait un impact sur les relations entre les deux pays.

L'armée s'est engagée à ce que cette opération permette de «débarrasser les zones frontalières de la Nation des bases terroristes» qui s'y trouvent, mais certains se demandent si cette offensive permettra de venir à bout de l'insurrection, bien implantée dans la région.

Les frontières entre le Nigeria et le Cameroun, le Tchad et le Niger sont très poreuses et les criminels et les armes y circulent librement d'un pays à l'autre.

Selon des experts, Boko Haram, de mieux en mieux armé, pourrait bien réussir à échapper à l'armée et trouver d'autres refuges dans cette région très étendue.

L'insurrection et sa répression par les forces de sécurité ont fait quelque 3600 morts depuis 2009, selon Human Rights Watch.