L'homme fort de Madagascar, le président de la Transition Andry Rajoelina, a créé la surprise vendredi en se lançant dans la course à la présidentielle de juillet, en dépit de ses promesses et au risque de raviver les tensions.

M. Rajoelina, 38 ans, arrivé au pouvoir de manière non constitutionnelle en 2009, avait accepté en janvier de ne pas se présenter sous la pression de la communauté internationale, désireuse de faciliter la tenue d'élections libres et sans violence. Son rival et prédécesseur Marc Ravalomanana avait également accepté de se désister.

Mais la liste des candidats publiée vendredi par la Cour électorale spéciale (CES) à trois mois du premier tour a réservé un coup de théâtre, M. Rajoelina figurant parmi les 41 candidats autorisés.

Sans expliquer comment un cinquantième dossier, celui de M. Rajoelina, s'est ajouté à la liste de 49 noms pourtant rendue publique fin avril, la CES a seulement indiqué qu'elle était «soucieuse du principe de la liberté de tout citoyen de se porter candidat à toutes les élections afin de permettre à tout un chacun de choisir librement celui ou celle qui dirigera leur destinée, pour instaurer un climat d'apaisement permettant de tenir des élections justes, crédibles et acceptées par tous».

Sur 50 candidatures, huit ont été retoquées pour vice de forme et un candidat s'est désisté.

Andry Rajoelina a de son côté justifié son choix sur Radio France Internationale (RFI), en évoquant la candidature de Lalao Ravalomanana, épouse de l'ex-président Marc Ravalomanana et celle de Didier Ratsiraka, ancien président rentré au pays après 11 ans d'exil.

«À ma grande surprise, j'ai appris que l'ancien président (Ravalomanana) s'est présenté aux élections présidentielles à travers son épouse», a-t-il commenté: «Il y avait aussi l'ancien président Didier Ratsiraka qui a déposé sa candidature. Je me suis dit ''donc, c'est une élection libre qui devrait être transparente et pourquoi ne me présenterais-je pas aussi?

Au pouvoir durant sept ans avant son renversement en 2009, M. Ravalomanana, 63 ans, est toujours en exil en Afrique du Sud.

Ambitions et rivalités personnelles

«Nous ne comprenons pas comment le nom d'Andry Rajoelina a pu apparaître comme par miracle alors qu'il ne figurait pas sur la liste des personnes ayant déposé leur dossier de candidature» a déclaré le représentant de la mouvance pro-Ravalomanana, Mamy Rakotoarivelo, joint par l'AFP au téléphone.

«Il aurait pu présenter sa femme, on aurait accepté (..). Ça devient un jeu d'enfant tout ça, ça tourne un peu à la gaminerie (...) Maintenant nous allons tout faire pour que Marc Ravalomanana rentre le plus vite possible à Madagascar».

L'incompréhension et la colère gagnaient vendredi soir une partie de la classe politique malgache.

«C'est normal, c'est son habitude, quel accord n'a-t-il pas violé? Quand on est dirigeant, on n'a pas le droit de faire ça, ça tue le pays. La Cour électorale spéciale ne mérite pas sa responsabilité», a de son côté déclaré le représentant de la mouvance d'un autre ancien président, M. Albert Zafy, qui n'est pas candidat.

La candidature-surprise de M. Rajoelina est également une énigme pour les juristes. « Juridiquement, c'est l'embarras total.  La même cour qui prononcera les résultats définitifs des élections à venir a déjà enfreint les dispositions de loi concernant le délai de dépôt de candidature pour la présidentielle. Comment ils ont pu faire ça? On n'en revient pas «, a déclaré la juriste Sahondra Rabenarivo.

Le premier tour de l'élection présidentielle malgache censée tourner la page de plus de quatre ans de crise est prévu le 24 juillet et le second le 25 septembre. La communauté internationale, qui n'a pas encore réagi, mise sur ce scrutin pour normaliser la situation et reprendre son aide.

Le nombre important de candidatures à la présidentielle est un signe négatif pour la démocratie malgache, selon les analystes: le climat politique reste pourri par la multiplicité des ambitions et rivalités individuelles que l'obligation de déposer une forte caution de 17 000 euros pour être candidat n'a pas suffi à décourager.

Andry Rajoelina est arrivé en Tanzanie vendredi soir. Il doit rencontrer le chef de la troïka de la SADC, Jakaya Kikwete afin de discuter entre autres de l'idée d'une « convention de paix « pour parer aux risques de troubles électoraux.