«J'ai peur d'être tué en rentrant dans mon pays», affirme Augustin Dolly-Debat, président de l'Association des réfugiés centrafricains de Nandoungué, village camerounais situé tout près de la frontière centrafricaine.

Des centaines, voire des milliers, de Centrafricains ont traversé la frontière camerounaise pendant et après l'offensive de la coalition rebelle du Séléka qui a pris le pouvoir à Bangui le 24 mars.

Avec l'arrivée de ces civils, fonctionnaires et militaires centrafricains, «c'était la débandade totale ici», affirme Elie Mwanjo, sous-préfet par intérim de Garoua Boulaï, ville camerounaise située à la frontière.

Officiellement, plus de 900 réfugiés se sont présentés aux autorités de Garoua Boulaï, mais la presse camerounaise a évoqué le chiffre de 3000 réfugiés au total.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a installé un camp à Nandoungué, où séjournent 370 Centrafricains, dont 120 enfants et près de 200 femmes. Ils vivent dans une centaine de grandes tentes.

«Cinq personnes en moyenne occupent une tente», souligne un responsable local de la Croix Rouge, Flaubert Mvongo.

Assise sur un piquet en bois servant de chaise, une réfugiée, Berthe Selebiro, retrousse son pantalon et montre son genou qui porte encore des blessures, à peine cicatrisées, occasionnées par des chutes lors de sa fuite de Cantonnier, un village centrafricain voisin de la frontière.

«Il y avait des coups de feu partout. Des balles venaient vers nous. J'ai dû m'enfuir avec mes trois filles, en abandonnant tous mes effets dans ma maison», raconte-t-elle «Nous étions obligées de courir dans la forêt jusqu'à Garoua Boulaï. À un niveau, je me suis évanouie avant d'être ranimée», rapporte-t-elle, affirmant avoir eu la vie sauve «grâce à Dieu».

Pour elle, comme pour d'autres réfugiés, il n'est pas question de rentrer dans son pays.

«Je ne rentre pas, parce que la situation ne s'est pas améliorée au pays. Il y a des assassinats qui se perpétuent», affirme M. Dolly-Debat.

«Lorsque les rebelles du Séléka ont pris la capitale, ils ont promis la sécuriser, mais ils n'ont rien fait. Le vandalisme s'est installé», explique M. Dolly-Debat, dont la maison a été pillée et détruite à Bangui, selon ses dires.

«Pour rien au monde, je ne peux retourner dans mon pays. J'ai envie de changer de nationalité. Tout ce que je veux, c'est vivre en paix avec ma famille», renchérit une autre réfugiée, Narcisse Wandakama, 30 ans, réfugié au camp avec son épouse et leurs trois premiers enfants.

Assise sur une natte, l'épouse de cet aide-mécanicien de Bangui tient entre ses bras leur dernier bébé, né dans le centre de santé de Nandoungué il y a quelques jours. À l'intérieur de la tente: une bassine, des seaux et bidons d'eau offerts par le HCR.

«Nous n'avons presque rien pris en fuyant. Nous sommes partis de Bangui lorsque nous avons appris que les rebelles se rapprochaient de la capitale», affirme M. Wandakama.

«Mon épouse était presque à terme. Nous avons voyagé pendant quatre jours à bord d'un camion dans lequel il y avait au moins 50 personnes. C'était très dur et j'ai eu peur de perdre mon bébé», souligne-t-il.

Depuis fin mars, cinq réfugiées ont accouché, mais il y a eu un mort né, selon M. Mvongo de la Croix-Rouge.

À l'entrée du camp, femmes et hommes portant leurs enfants ou les tenant par le bras font la queue devant une infirmière de la Croix-Rouge.

Yolande Mpassissa vaccine contre la rougeole des enfants de 9 mois à 15 ans dans le cadre d'une campagne de prévention lancée au camp «parce qu'il y avait une épidémie de rougeole en Centrafrique», explique M. Mvongo.

Avant les derniers troubles, le Cameroun accueillait déjà dans les régions de l'Est et de l'Adamaoua (nord) 87 243 réfugiés centrafricains regroupés dans divers villages, selon le HCR, conséquence des crises à répétition qui ont secoué le pays ces 30 dernières années.