Bamako, au Mali, est dorénavant la capitale d'un pays en guerre, même si les combats ont pour l'instant lieu à des centaines de kilomètres de la ville. Les Bamakois vivent entre l'espoir qu'enfin le nord du pays puisse être libéré et l'anxiété d'une attaque islamiste dans le Sud, rapporte notre collaborateur.

À Bamako, le drapeau français flotte partout. Dans les voitures, sur les motos, sur les immeubles. Au coin des rues, les vendeurs à la sauvette les proposent pour 10 000 CFA, soit l'équivalent de 20$.

«Merci la France, vous nous avez sauvés des barbus!», s'écrie un de ces vendeurs à notre passage. Les journaux locaux rapportent même que des parents ont donné à leurs enfants le prénom Hollande, en l'honneur du président français!

«L'intervention de la France a soulagé beaucoup de gens. Deux jours plus tard et les islamistes auraient rejoint Bamako», croit Abdou Maiga, qui conduit un taxi dans la capitale malienne.

Il n'est pas le seul, au Mali, à croire que la France a sauvé le pays en lançant la mission Serval. Les Nations unies parlaient d'une intervention en septembre 2013. L'armée malienne ne voulait pas attendre, mais elle était paralysée depuis sa défaite du printemps dernier.

Les islamistes menaçaient d'avancer et de prendre Sévaré et Mopti, dernières grandes villes contrôlées par le gouvernement. La France a décidé d'agir à la demande du gouvernement malien. Le statu quo, qui durait depuis mars 2012, lorsque les islamistes avaient conquis les deux tiers du pays, est terminé.

Dons de sang refusés

«Nous avions perdu espoir dans la communauté internationale. On repoussait sans cesse une intervention», affirme Ousmane Sidibé, étudiant en sciences politiques. En décembre dernier, lors de notre visite, il était désabusé. Maintenant, ses yeux brillent lorsqu'il parle de l'intervention française. «Tout s'est précipité! On est restés surpris, mais tellement soulagés!»

L'intervention a été un électrochoc pour les Maliens. C'est tout le sud du pays qui est maintenant mobilisé. Les cliniques de dons de sang sont débordées par la réponse des donneurs pour l'effort de guerre. Elles ont dû refuser des dons: leurs frigos sont pleins.

Même les politiciens, profondément divisés depuis le coup d'État du 23 mars dernier, saluent unanimement l'intervention française. Y compris les membres de la coalition pro-putsch qui, depuis le début de la crise, rejettent l'idée d'une intervention internationale.

En revanche, sous l'apparence de joie se cachent beaucoup de craintes.

L'aéroport de Bamako, qui était pratiquement abandonné depuis que la compagnie nationale Air Mali a cessé ses activités le 24 décembre dernier, est maintenant un aéroport quasi militaire. Sur le tarmac, des militaires français sont présents.

À Bamako, le climat est fébrile. Déjà, la police malienne a arrêté deux individus soupçonnés d'espionner les installations militaires. Le lycée français, lui, est fermé temporairement. «Les rumeurs parlent de cellules dormantes d'Al-Qaïda prêtes à attaquer. Il faut faire attention. Les gens ne sortent plus le soir», explique Malick Traoré, boutiquier du quartier de Bamako Coura.

Le ministère canadien des Affaires étrangères et du Commerce international recommande aux voyageurs d'éviter le Mali en raison de l'instabilité politique et des affrontements militaires, ainsi que le risque élevé de terrorisme, d'enlèvement et de banditisme. Les Canadiens présents au Mali, conseille-t-on, devraient quitter le pays le plus rapidement possible.

«Maintenant, le renfort de la CEDEAO [Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest] doit arriver. La guerre n'est pas gagnée. Il faut que tous les Maliens restent mobilisés. On sera vraiment soulagés quand ce sera fini», souligne le chauffeur de taxi Abdou.