Le président centrafricain François Bozizé se préparait jeudi à aller aux négociations de paix à Libreville mais celles-ci pourraient être compliquées par le caractère extrêmement hétéroclite de la rébellion, qui a suspendu sa progression vers Bangui.

Le Séléka a stoppé l'offensive qu'il avait lancée le 10 décembre dans l'attente des négociations, le gros de ses troupes étant toujours positionné à Sibut, à 160 km de Bangui.

Le régime a commencé à fourbir ses arguments pour les pourparlers qui devraient s'ouvrir mardi prochain. Le ministre de l'Administration territoriale Josué Binoua a ainsi accusé la rébellion d'être majoritairement composée d'étrangers des guerres du Tchad, du Soudan et de Libye, et de prêcher un islam rigoriste.

Le Conseil de sécurité de l'ONU devrait lui adopter vendredi une déclaration, proposée par la France, pour soutenir ces négociations, ont indiqué des diplomates.

«La grande partie de la troupe (de la rébellion) est constituée très largement des Toro Boro, les rebelles soudanais du Darfour (...). Il y les résidus des forces du (rebelle tchadien) Mahamat Nouri qui a été expulsé de Khartoum. Plus d'autres combattants de morphologie libyenne», a déclaré M. Binoua.

Selon lui, «M. (Moussa Mohammed) Dhaffane et Nourredine (Younous Adim Birema), qui sont les deux principaux responsables de cette rébellion, ont étudié en Arabie Saoudite, au Qatar. Ils prônent le wahhabisme à qui veut l'entendre. Ils le prêchent».

Le wahhabisme est une doctrine rigoriste sunnite de l'islam d'origine saoudienne, voisine du salafisme.

Le ministre s'est aussi interrogé sur les sources de financement des rebelles:  «La rébellion Séléka met en exergue son arsenal militaire, lequel a un coût. Qui leur a donné l'argent? Qui finance?»

Enfin, selon lui,  les rebelles n'occupent pas «80% du territoire comme ils le disent» mais seulement «six des seize préfectures du pays, soit 37% du territoire», habité par 19% de la population.

«Ce n'est pas suffisant pour demander le départ du président Bozizé», a affirmé M. Binoua.

Des organisations de défense des droits de l'Homme en Centrafrique ont elles déploré les «exactions» commises par la coalition rebelle dans les villes qu'elle a conquises et celles du pouvoir contre les proches de la rébellion à Bangui.

Les rebelles, qui ont pris les armes pour réclamer le respect de plusieurs accords de paix signés entre le gouvernement et des rébellions et se sont facilement emparés de plusieurs villes du nord et du centre, demandent le départ de M. Bozizé.

Ce dernier s'est déclaré prêt à un dialogue sans condition en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale. Des représentants du Séléka et de l'opposition ont accepté mercredi d'y assister.

La tenue des pourparlers pourrait cependant être compliquée par le caractère extrêmement hétéroclite de la rébellion qui ne présente ni commandement militaire, ni direction politique unifiés, et où les rivalités personnelles n'ont pas tardé à éclater.

Le rôle du médiatique porte-parole Éric Massi est ainsi ouvertement contesté au sein du Séléka, où certains l'accusent de «rouler pour lui même», selon les termes de François Nelson Ndjadder, coordonnateur et délégué en Europe de la Convention patriotique pour le salut du kodro (CPSK), une des composantes du mouvement.

La CPSK a déjà constitué sa propre délégation pour se rendre à Libreville, et d'autres mouvements, y compris de l'opposition politique, demandent aussi à être associés aux négociations, ont indiqué plusieurs sources à l'AFP.

Ces derniers jours, les «porte-parole» ou «commandants» autoproclamés de la rébellion se sont multipliés, le plus souvent issus des rangs de l'opposition en exil.

Jeudi soir, un Front républicain pour l'alternance et la paix (FRAP), une coalition d'opposants récemment créée à Paris, doit tenir une assemblée générale dans la capitale française, en présence de «hautes personnalités centrafricaines», selon son porte-parole Guy Simplice Kodégué.

Au plan interne, la décision du président Bozizé de limoger  son propre fils Jean-Francis du ministère de la Défense devrait lui permettre de reprendre la main en lançant un message de confiance aux militaires, selon une source sécuritaire. Jean-Francis a été «sanctionné pour sa nonchalance», a-t-on ajouté de même source.

Pour le principal opposant, l'ancien Premier ministre Martin Ziguélé, le limogeage «est la moindre des choses» après la débandade des Forces Armées centrafricaines.

Selon une source diplomatique, Paris estime que les négociations devraient être le plus ouvertes possible et réunir le gouvernement centrafricain, les oppositions armées ainsi que l'opposition légale démocratique, notamment M. Ziguélé et Jean-Jacques Demafouth, tous deux candidats malheureux à la dernière élection présidentielle de janvier 2011, remportée par François Bozizé.