Le président centrafricain François Bozizé a promis dimanche un gouvernement d'union nationale et assuré qu'il ne se représenterait pas, acculé par les rebelles qui ont menacé pour la première fois d'entrer dans Bangui.

Ces promesses ont été accueillies avec prudence par les rebelles du Séléka, désormais maîtres de la majorité du pays après une offensive éclair de trois semaines. Ils ont dit vouloir s'assurer de leur «mise en oeuvre», tout en promettant de la retenue sur le terrain.

Le président Bozizé «est prêt à se rendre à Libreville ce jour même» si ses pairs le lui demandent, et accepte un dialogue avec la rébellion «qui doit conduire à un gouvernement d'union nationale», a annoncé le président de l'Union africaine Thomas Boni Yayi après un entretien avec le chef de l'État centrafricain, arrivé au pouvoir par les armes en 2003.

Ces pourparlers, qui doivent se tenir sous l'égide des chefs d'État de la Communauté économique des États d'Afrique centrale (CEEAC) à Libreville, devront porter sur l'application des accords de paix conclus entre 2007 et 2011 avec les rébellions, comme le Séléka le souhaitait.

M. Boni Yayi a ajouté avoir en outre reçu du président Bozizé l'assurance  qu'«il ne sera pas candidat» à sa propre succession en 2016  et qu'il respectera «les dispositions constitutionnelles».

L'opposition centrafricaine accusait M.  Bozizé de  vouloir modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat.

Interrogé sur la chaîne de télévision France 24, le porte-parole du Séléka Eric Massi a déclaré «prendre acte» de ces engagements.

«Un entretien doit avoir lieu avec le président de l'Union africaine afin d'étudier en détail les propositions du président Bozizé et de valider ensemble un plan de sortie de crise», a-t-il souligné.

«Si le président Bozizé applique concrètement les engagements pris auprès du président Boni Yayi, il n'y a pas de raison que la tension ne retombe pas et que nous ne trouvions pas une solution politique», a-t-il insisté.

La tension était montée d'un cran quelques heures auparavant, lorsque M. Massi avait évoqué une entrée des rebelles dans Bangui, qu'il avait exclue jusque-là, et demandé  le départ du président Bozizé.

«Bozizé a l'intention de livrer bataille à Bangui et si la population l'exige, nous prendrons des dispositions», avait-il dit. Il «doit reconnaître sa défaite militaire sur le terrain (...) et en tirer les conclusions», avait-il souligné après la prise de la ville de Sibut samedi, qui a mené la rébellion à 160 km de la capitale.

Face à cette progression, la France, ex-puissance coloniale,  a dépêché à Bangui 80 hommes supplémentaires et deux hélicoptères Puma, portant ses effectifs à 580 soldats. Ce dispositif doit permettre une évacuation des Français et autres Européens si besoin, selon le ministère de la Défense.

Après sa rencontre avec M. Boni Yayi, M. Bozizé - qui avait en vain appelé la France à la rescousse le 27 décembre - a demandé à rencontrer le président français François Hollande, pour «débattre des questions profondes qui intéressent la République centrafricaine».

Sans évoquer cette demande,  M. Hollande a appelé dans un communiqué «toutes les parties» en conflit en Centrafrique à «cesser les hostilités et à dialoguer». Il a aussi demandé à nouveau aux autorités centrafricaines de prendre «toutes les mesures» pour garantir la sécurité des ressortissants étrangers.

Après Sibut, le dernier obstacle sur la route de Bangui est la localité de Damara - où sont regroupées les Forces armées centrafricaines ainsi qu'un contingent «d'interposition» de l'armée tchadienne-, située à 75 km de la capitale.

Cette progression a créé un climat d'angoisse à Bangui, où un couvre-feu a été instauré et plusieurs habitants disaient redouter des agressions et des pillages.

«Les gens ne craignent pas tant les rebelles que les petits voyous qui sont toujours prêts à profiter de la moindre situation pour piller les gens», a indiqué à l'AFP André Freddy Lemonnier, restaurateur français installé à Bangui depuis 35 ans.

Un expert militaire estimait cependant dimanche, sous couvert d'anonymat, «peu probables des combats à Bangui».

«On est dans une phase plus politique. C'est une sorte de jeu de rôles avant les discussions avec un président qui s'accroche au pouvoir», a-t-il estimé.

La Centrafrique, pays enclavé de cinq millions d'habitants, parmi les plus pauvres de la planète, était engagée depuis 2007 dans un processus de paix après des années d'instabilité, de multiples rébellions et mutineries militaires qui ont ravagé son tissu économique et l'ont empêchée de tirer profit de ses ressources naturelles.