Les habitants de Maiduguri se terraient chez eux samedi, tenaillés par la peur, après l'exécution d'une quarantaine d'hommes par l'armée, selon des témoins, dans cette ville du nord-est du Nigeria, fief du groupe islamiste Boko Haram.

Un général à la retraite de l'armée nigériane, figure emblématique de la guerre civile du Biafra dans les années 60, Mohammed Shuwa, a par ailleurs été tué vendredi par des hommes armés à son domicile de Maiduguri, au lendemain de ces exécutions.

Maiduguri, où les violences ont fait des centaines de morts depuis 2009, fait l'objet de mesures de confinement pour raisons de sécurité depuis vendredi.

L'armée, très présente, patrouille dans les zones sensibles comme Gwange, Kalari, Custain, la route de Baga, Abbaganaram, Customs et Ruwan Safin Damboa, ont indiqué des habitants.

La crainte de nouvelles attaques, soit par Boko Haram, soit par des soldats, a provoqué la panique dans la ville, explique un habitant, Sheu Aliu.

«On ne peut pas dire quand le prochain coup de fusil ou la prochaine bombe va éclater. C'est pourquoi il est sage de rester dans votre maison. La peur est partout», a-t-il dit.

Un autre habitant, un enseignant, Adamu Abu, a déclaré qu'il préférait généralement rester chez lui le week-end, par peur des attaques.

«Ils frappent habituellement le week-end et pour moi, il est plus prudent de ne pas s'aventurer au-dehors», a-t-il déclaré à l'AFP.

«Ma femme va faire les courses le jeudi et personne ne sort à nouveau d'ici lundi parce que vous pouvez être touché soit par des balles perdues durant un affrontement entre Boko Haram et des soldats, soit être victime d'attaques de la secte» (Boko Haram), a-t-il ajouté.

La présence de patrouilles est normale, a déclaré le porte-parole de l'armée à Maiduguri, le lieutenant-colonel Sagir Musa.

«Les patrouilles par nos hommes n'ont rien d'inhabituel», a-t-il dit. Les interpellations pour des contrôles «sont toujours en vigueur et c'est habituel dans ce genre de situation», a-t-il ajouté.

Des centaines de soldats contrôlent le quartier de Gwange où le général en retraite Mohammed Shuwa devait être enterré samedi, et l'armée a donné l'ordre aux femmes, aux personnes âgées et aux enfants de rester chez eux, ont indiqué des témoins.

«Le quartier est en état de siège depuis hier (vendredi)», a déclaré une habitante, Fatima Mustapha.

«Tous les hommes ont quitté le quartier dès que la nouvelle de la mort de Shuwa s'est répandue de peur d'une réaction violente des soldats, a-t-elle ajouté.

«Tous nos hommes ont fui leur domicile, redoutant des arrestations arbitraires et des meurtres par les soldats», a déclaré un autre habitant, Abbagana Kaka, 70 ans.

Des habitants de Maiduguri avaient accusé vendredi des soldats d'avoir abattu jeudi soir une quarantaine de jeunes hommes au cours d'une opération contre des membres présumés de Boko Haram.

Une source militaire contactée vendredi par l'AFP n'avait pas souhaité commenter ces accusations, mais avait considéré que si de telles exactions ont vraiment été commises, elles sont «injustifiées».

Trois personnes ont par ailleurs été tuées vendredi dans une attaque menée par des hommes armés à Gamboa, dans l'État de Borno (nord-est), située à 90 km au sud de Maiduguri, a indiqué la police samedi.

Les attentats et attaques menées par Boko Haram dans le nord et le centre du Nigeria et leur répression ont fait plus de 3000 morts depuis 2009.

Le Nigeria - premier producteur de brut du continent et qui compte 160 millions d'habitants - est divisé entre le Nord, majoritairement musulman, et le Sud, à dominante chrétienne.

Le groupe a déclaré vouloir instaurer un État islamique au Nigeria mais ses revendications ont varié à plusieurs reprises.

Dans un rapport paru jeudi, l'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International a dénoncé des violations des droits de l'homme commises par les forces de l'ordre nigérianes dans leur répression contre Boko Haram, notamment à Maiduguri, ville fréquemment attaquée par les islamistes.