Les organisateurs du projet de «navire pour l'avortement» ont admis jeudi que leur bateau, qui devait arriver dans la journée au port de Smir (nord), se trouvait déjà sur place depuis plusieurs jours, afin de tromper la vigilance des autorités marocaines.        

L'ONG néerlandaise «Women on waves», invitée par une association locale, avait fait part ces derniers jours de son intention de se rendre au Maroc afin de proposer des avortements médicamenteux dans un pays où 600 à 800 femmes ont recours chaque jour à une interruption de grossesse dans la clandestinité.

Après avoir laissé planer le suspense, elle avait annoncé mercredi que son navire devait arriver jeudi à la mi-journée sur les côtes du royaume, où l'initiative a fait débat.

Le gouvernement marocain, à majorité islamiste, avait alors riposté en enjoignant les autorités locales de ne pas laisser entrer le bateau dans le port de Smir. De fait, la marine était positionnée jeudi matin, et des forces de l'ordre empêchaient les nombreux journalistes d'accéder au site.

Mais, coup de théâtre, les organisateurs du projet ont annoncé en début d'après-midi que le navire se trouvait déjà sur place.

Conduits à proximité immédiate du port de Smir par quelques militants, les journalistes présents, dont celui de l'AFP, ont pu apercevoir le bateau mouillant à une vingtaine de mètres de la terre ferme, à l'intérieur d'une marina.

Les forces de l'ordre sont alors intervenues pour empêcher la presse d'approcher davantage.

«Le bateau est arrivé il y a quelques jours déjà, car ils ont su que les autorités allaient les empêcher et c'était le seul moyen de parvenir jusqu'aux côtes marocaines», a confirmé à l'AFP une députée néerlandaise, Liesbeth van Tongeren, présente sur place.

«Symbolique»

Selon une militante de l'ONG néerlandaise arrivée par avion, le navire restera six jours avec pour «objectif de réaliser des opérations d'avortement les plus sécurisés possible». Mais, selon le journaliste de l'AFP, il n'existait pour l'heure aucun moyen de descendre du bateau ou de monter à bord.

Le coup de communication est cependant réussi pour «Women on waves» et l'association marocaine Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (Mali): leur action a braqué les projecteurs sur l'avortement au Maroc où, d'après l'ONG néerlandaise, 78 femmes meurent chaque année des suites d'un avortement clandestin.

Le projet a été critiqué dans les médias conservateurs et environ 200 membres de la jeunesse du Parti justice et développement (islamistes, au pouvoir) ont manifesté jeudi matin à Smir pour «le droit à la vie».

«Ca n'est pas dans l'intérêt de la femme. C'est symbolique, mais je ne pense pas que ça soit la bonne approche», a pour sa part commenté auprès de l'AFP le président de l'association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (Amlac), Chafik Chraïbi.

«Women on waves» assure être en mesure de fournir aux femmes des avortements médicaux légaux jusqu'à 6,5 semaines de grossesse, en vertu du droit néerlandais, en naviguant dans les eaux internationales.

C'est la première fois que l'ONG veut mener ce type d'action dans un pays musulman. Elle a déjà entrepris des actions similaires au large de l'Irlande, de la Pologne, du Portugal et de l'Espagne, qui ont à chaque fois entraîné des protestations de groupes opposés à l'avortement.