Le procès pour « incitation au génocide » de l'ex-homme politique rwandais Léon Mugesera, extradé par le Canada vers le Rwanda en janvier, s'est ouvert lundi à Kigali, avec l'examen d'une demande de renvoi de la part de l'accusé, a constaté un journaliste de l'AFP.    

Le porte-parole du Parquet rwandais Alain Mukurarinda a confirmé à l'AFP qu'il s'agissait de l'ouverture du procès au fond, après plusieurs audiences de procédure.

Seule la demande de renvoi a été examinée lundi par la Cour, qui a ajourné l'audience en début d'après-midi et indiqué qu'elle rendrait sa décision sur cette requête mardi matin à la reprise des débats.

Léon Mugesera et son avocat ont demandé le renvoi du procès à une date ultérieure pour plusieurs motifs, dont le fait qu'une requête de l'accusé sur la procédure est pendante devant la Cour suprême qui doit rendre sa décision le 28 septembre.

La défense a également argué ne disposer que d'un exemplaire numérisé du dossier canadien - qui compte 40 000 pages - et réclamé une copie papier. Elle a aussi plaidé que des pages étaient manquantes dans le dossier rwandais.

Elle a enfin demandé au Parquet de faire traduire, en anglais et en français pour ses avocats étrangers, le dossier rwandais rédigé en kinyarwanda.

Le Parquet a de son côté requis le rejet de la demande de M. Mugesera, soulignant notamment que la décision de la Cour suprême n'aurait pas d'influence sur le procès.

Il a aussi demandé au tribunal d'écarter la requête de traduction du dossier, soulignant que la Cour avait déjà rejeté une demande de l'accusé d'être jugé en français et qu'elle avait décidé que le procès aurait lieu en kinyarwanda.

M. Mugesera, linguiste originaire du nord du Rwanda, est jugé pour un discours violemment anti-tutsi prononcé en 1992 pendant un rassemblement du parti du président hutu de l'époque Juvénal Habyarimana, dont il était membre.

Kigali considère ce discours comme un élément déclencheur du génocide de 1994, qui a fait environ 800 000 morts selon l'ONU, essentiellement au sein de la minorité tutsi. M. Mugesera est accusé d'y avoir qualifié les Tutsis de « cafards » et d'avoir encouragé les Hutus à les tuer.

Depuis qu'il a été extradé du Canada, M. Mugesera a comparu à plusieurs reprises lors d'audiences de procédure, au cours desquelles il a chaque fois demandé, pour divers motifs, de nouveaux délais pour être jugé.

Léon Mugesera vivait depuis 1993 au Canada, avec son épouse et ses enfants. Le Rwanda le réclamait depuis 1995, mais il avait jusqu'en janvier réussi à éviter son extradition en multipliant au cours des années les recours judiciaires.