L'universitaire Hassan Cheikh Mohamoud, outsider âgé de 56 ans, a été élu lundi président de Somalie au 2e tour par les députés réunis à Mogadiscio, par 190 voix contre 79 au chef de l'État sortant, Sharif Cheikh Ahmed, a annoncé le président du Parlement Mohamed Osman Jawari.

«Hassan Cheikh Mohamoud est le vainqueur de l'élection présidentielle», a annoncé Mohamed Osman Jawari à l'issue du décompte des voix.

Assis côte à côte durant l'attente du résultat officiel, le vainqueur et le président sortant se sont serré la main. Sharif Cheikh Ahmed, donné favori, a reconnu la victoire «équitable» de son adversaire, affirmant qu'il quittait le pouvoir «sans ressentiment».

Hassan Cheikh Mohamoud, dont le nom n'avait commencé à émerger qu'à 48 heures du scrutin selon des diplomates, a ensuite été investi par le président de la Cour suprême, après avoir prêté serment sur le Coran. Sa victoire a été saluée par des tirs de joie dans la capitale Mogadiscio.

Il est le premier président somalien élu à Mogadiscio depuis le début du difficile processus de reconstruction du pays mené depuis 2000 avec le soutien de la communauté internationale, ses prédécesseurs ayant dû être élus dans des pays voisins pour des raisons de sécurité.

«Je remercie tous ceux qui ont participé à ce processus historique. Ce qui s'est passé aujourd'hui sera écrit en lettres d'or dans l'histoire somalienne (...) j'espère que la Somalie se dirige désormais vers le meilleur et que tous nos problèmes sont de l'histoire ancienne», a-t-il déclaré.

Universitaire sans appartenance politique marquée, jamais ministre, proche d'aucune faction impliquée dans l'interminable guerre civile qui déchire la Somalie, M. Mohamoud était arrivé deuxième du premier tour, qui réunissait 25 candidats, avec 60 voix contre 64 au président sortant.

Les deux candidats arrivés derrière eux - le premier ministre sortant Abdiweli Mohamed Ali (30 voix) et Abdikadir Osoble (27 voix) -, autorisés à se maintenir par la Constitution, avaient annoncé leur retrait et de longues négociations s'étaient engagées.

Issu du même clan des Hawiye que le président sortant, M. Mohamoud est lié au parti al-Islah, pendant somalien des Frères musulmans, implanté de longue date dans le pays.

Réputé modéré, fondateur d'une université à Mogadiscio, il a travaillé aux côtés de plusieurs organisations internationales en Somalie. Il reste néanmoins un «inconnu» pour la communauté internationale, a souligné un diplomate à l'AFP.

Victoire inattendue

Son élection parachève un long et complexe processus politique parrainé par l'ONU, destiné à doter la Somalie d'institutions pérennes et d'un réel gouvernement central. Depuis la chute du président Siad Barre en 1991, le pays a été plongé dans le chaos, et différentes autorités de transition se sont succédé depuis 2000.

Quelque 270 députés somaliens s'étaient réunis lundi sous très haute sécurité à l'École nationale de police pour élire le chef de l'État.

La victoire inattendue de Hassan Cheikh Mohamoud a fait mentir les analystes qui craignaient que le processus reconduise au pouvoir les mêmes personnalités, dont le nom a été parfois associé à des scandales de corruption.

Un rapport récent de l'ONU estimait que sous le mandat de Sharif Cheikh Ahmed, élu en 2009 après avoir rallié les institutions de transition qu'il combattait auparavant à la tête d'une rébellion islamique, «détournements de fonds systématiques, accaparement pur et simple de fonds et vols d'argent public sont devenus des systèmes de gouvernement».

En raison de la persistance des combats et de l'absence de structure étatique, la population somalienne - environ 8 millions de personnes à l'intérieur du pays - a été tenue totalement à l'écart du processus de reconstruction politique.

Les députés ont été désignés en août par un comité de chefs coutumiers, au terme d'arbitrages très tendus entre clans, et les noms validés par un comité ad hoc. Le Parlement a néanmoins finalement intronisé lundi les députés dont les noms avaient été rejetés par ledit comité.

Le Conseil de sécurité de l'ONU avait mis en garde avant le scrutin contre toute pratique «d'intimidation».

Des mesures de sécurité renforcées, avec fouille au corps, y compris pour les parlementaires, et prise d'empreintes digitales, ont été mises en place à l'École de police pour écarter tout risque d'attentat.

Les islamistes shebab qui combattent les fragiles institutions somaliennes ont dû céder du terrain depuis un an face à une force de l'Union africaine et à des contingents envoyés en Somalie par le Kenya et l'Éthiopie voisins, mais ils contrôlent toujours une vaste partie du sud et du centre du pays.