Des inconnus ont attaqué samedi à Abidjan le siège du parti de l'ex-président Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), faisant trois blessés légers et provoquant un nouvel accès de tension alors que l'armée est depuis deux semaines la cible de commandos.

Accusé par le pouvoir de la récente vague de violences qui survient plus d'un an après la fin d'une crise postélectorale (décembre 2010-avril 2011) aux quelque 3000 morts, le FPI a mis en cause des partisans du chef de l'État Alassane Ouattara pour l'attaque de samedi. «Mensonges», a répliqué le Rassemblement des républicains (RDR), le parti présidentiel.

Une voiture a été entièrement incendiée devant l'entrée du siège du FPI, situé dans le quartier chic de Cocody (nord). À l'intérieur, une porte a été cassée, des vitres brisées, du matériel informatique dérobé et des documents jetés par terre.

«Nous étions en réunion, nous étions au nombre de dix. Venues à bord d'un minicar, des personnes non identifiées, armées de gourdins, de machettes et de fusils de chasse, ont fait irruption dans les locaux» peu avant 12H00 (locales et GMT), a indiqué un responsable de la section jeunesse du FPI, Jean-Luc Ouallo.

Dans les locaux, deux hommes ont été légèrement blessés, l'un à la tête et l'autre à la joue. Un autre jeune homme, venu discuter avec les vigiles gardant le bâtiment, a été aussi blessé par le groupe armé. «Ils m'ont frappé», a-t-il dit, lèvre inférieure légèrement ouverte et traces de coups visibles sur le visage.

Les agresseurs «ont emporté deux de nos camarades» et parlaient «dioula» (langue de ressortissants du Nord ivoirien, très largement parlée dans le pays), a affirmé Jean-Luc Ouallo. Ils «menaçaient de nous tirer dessus ou de nous brûler vifs», a raconté Claude Désiré Dassé, un autre responsable FPI.

Les assaillants «sont des pro-Ouattara, on les connaît, il y en a que nous avons reconnus», a déclaré le secrétaire général du parti, Laurent Akoun, sans plus de précisions. «Tout le monde est dans la terreur», a-t-il assuré.

Le parti au pouvoir a vivement réagi. «Tant que nous ne connaissons pas les résultats de l'enquête, tout ce que M. Laurent Akoun est en train de dire ce sont des mensonges», a tonné Joël N'Guessan, porte-parole du RDR. Il n'a pas exclu que l'attaque soit un «montage» du FPI pour passer pour une «victime».

La mission onusienne Onuci a condamné «énergiquement» ces dernières violences et appelé le gouvernement à en «identifier et sanctionner les auteurs». Elle a réitéré son «appel urgent au calme» et encouragé les autorités à «prendre des mesures concrètes et urgentes pour impulser le processus indispensable de réconciliation nationale».

Dans la soirée, l'ex-ministre Alphonse Douati, un responsable du FPI, a été interpellé à son domicile par la Direction de la surveillance du territoire (DST), a annoncé le parti, sans fournir d'explication.

Ces événements surviennent en plein regain de tension, après deux semaines au cours desquelles les Forces républicaines (FRCI), l'armée ivoirienne, ont essuyé des assauts en série à Abidjan, dans ses environs et dans l'Ouest, y perdant dix hommes.

Jeudi à Dabou, à environ 50 km à l'ouest d'Abidjan, les assaillants ont tué trois civils et ouvert la prison, d'où se sont évadés des dizaines de détenus.

Le gouvernement a accusé des miliciens et militaires pro-Gbagbo d'être derrière ces opérations. «Les autorités ont déjà désigné les coupables», a protesté samedi le secrétaire général du FPI.

Le premier ministre Jeannot Kouadio Ahoussou a prôné le dialogue et appelé les auteurs des attaques à déposer les armes pour ne pas empêcher un «renouveau» ivoirien.

Laurent Gbagbo, qui avait plongé son pays dans la crise en refusant de reconnaître sa défaite à la présidentielle de novembre 2010, est détenu depuis fin 2011 à La Haye par la Cour pénale internationale (CPI), qui le soupçonne de crimes contre l'humanité.