À l'heure qui précède le chant du muezzin et le coucher du soleil qui sonne le moment de la rupture du jeûne, le silence tombe sur la ville et les cafés sont déserts. Mais un groupe de Marocains est bien décidé à ne pas se conformer à la tradition du ramadan.

Le groupe «Masayminch» («nous ne jeûnons pas» en arabe marocain) a été récemment créé par de jeunes Marocains déterminés à défendre le droit de ne pas jeûner pour les non-croyants. Ils veulent pouvoir manger, boire et fumer en public durant le mois sacré du ramadan.

«L'idée est de dire à la société que nous sommes différents et que nous n'avons pas à nous cacher», affirme à l'AFP Imad Iddine Habib, 23 ans, co-fondateur de ce groupe dont la page Facebook compte quelque 350 membres.

Les grandes villes du Maroc, un pays très touristique où se pratique un islam tolérant et modéré, regorgent de bars qui ferment néanmoins durant le ramadan.

Quelque 89% des Marocains considèrent la religion comme «très importante» dans leur vie, selon une récente étude de l'institut américain Pew research Center, et pour la grande majorité des gens, ne pas jeûner pendant le ramadan relève du sacrilège.

«La plupart des gens sont choqués de voir quelqu'un manger dans la rue», convient Omar Benjelloun, un avocat de défense des droits de l'Homme.

L'article 222 du code pénal stipule qu'une rupture du jeûne en public est passible d'une peine de prison pouvant aller jusqu'à six mois.

À ce sujet, le ministre de la Communication Mustapha El Khalfi, issu du parti islamiste Justice et Développement (PJD, modéré), arrivé au pouvoir fin 2011 pour la première fois dans l'histoire du pays, a prévenu que les autorités feraient montre de «fermeté dans l'application de la loi».

«Hypocrisie» de la société

La presse a rapporté récemment plusieurs incidents impliquant des récalcitrants.

Des médias ont fait état de l'arrestation de quatre jeunes - deux hommes et deux femmes - à Beni Mellal, au centre du pays, qui attendent leur jugement après qu'un fermier les a aperçus en train de manger et de fumer sur la route.

Dans un autre incident du même genre, rapporté par le quotidien indépendant Akhbar Al-Youm, deux jeunes gens ont porté plainte contre le fils d'un député, l'accusant de les avoir renversés avec sa voiture, après qu'ils lui ont reproché de fumer en public.

M. Habib y voit le signe de l'«hypocrisie» de la société marocaine.

«Nous voulons que la loi soit abrogée. Nous ne sommes pas croyants et la société n'a pas le droit de nous imposer ses croyances», ajoute-t-il.

Cependant, même les esprits libéraux qui craignent l'imposition de nouvelles restrictions et souhaitent plus de libertés, estiment que ces jeunes font fausse route.

M. Benjelloun estime qu'en agissant ainsi, le groupe «ne sert pas la cause de la modernité et de la laïcité». «Ils font un cadeau à leurs ennemis», ajoute-t-il.

De fait, sur la toile, les groupes hostiles au mouvement comptent de nombreux adhérents.

«Nous sommes un pays musulman, pas laïc, ceux qui veulent manger dans la rue pendant le ramadan n'ont qu'à demander un visa pour l'Europe et aller manger là-bas», écrit un de leurs détracteurs sur la page Facebook «Contre mouvement masayminch».

Pour d'autres internautes, il y a des combats plus importants à mener au Maroc où la pauvreté touche de nombreux habitants.

Sur le blogue «anti-masayminch», on peut lire: «quand vous criez que vous allez MANGER et BOIRE tout au long du ramadan, il y a des enfants (...) qui n'ont pas mangé tout au long de l'année».