Une épidémie du virus Ebola a fait 14 victimes depuis trois semaines en Ouganda, dont une dans la capitale, Kampala. Cette maladie, l'une des plus mortelles du monde, tue de 50% à 90% des personnes infectées et a servi de base à de nombreux films-catastrophes, dont Outbreak avec Dustin Hoffman.

Le président ougandais, Yoweri Museveni, a suggéré à ses concitoyens d'éviter les contacts physiques et a envoyé des fonctionnaires dans les gares d'autobus pour répandre la directive, rapporte la BBC. Une vingtaine de médecins et d'infirmières de l'hôpital principal de Kampala ont été mis en quarantaine parce qu'ils ont été en contact avec «un ou deux cas».

L'épidémie s'est déclarée dans le district de Kibaale, à 170 km à l'ouest de la capitale. Neuf membres d'une même famille feraient partie des victimes, selon le Wall Street Journal: ils auraient amené la première victime à une chapelle catholique de la région réputée pour ses «miracles». Une infirmière de Kibaale est morte à l'hôpital de Kampala.

Fort heureusement, l'Ouganda vient d'ouvrir son premier laboratoire de microbiologie capable de manipuler des virus aussi virulents que l'ebola. Auparavant, il fallait envoyer les échantillons au Gabon ou en Afrique du Sud, ce qui se traduisait par des délais de deux jours.



Vaccin prometteur

La nouvelle survient alors qu'un vaccin contre l'ebola est en cours de développement par des chercheurs de l'Agence de santé publique du Canada, au laboratoire national de Winnipeg. Ce vaccin, pour le moment testé sur quatre singes, pourrait être utile pour le personnel médical, selon Jacques Pépin, directeur du service d'infectiologie de l'Université de Sherbrooke.

«L'ebola est spectaculaire, mais on s'entend qu'à l'échelle de tous les problèmes de santé de l'Afrique, c'est relativement minime, par exemple face à la malaria ou aux pneumonies de l'enfance», explique le Dr Pépin, qui a séjourné en République démocratique du Congo (alors le Zaïre) dans les années 80. «Je ne pense pas qu'on va commencer à vacciner tout le monde. Pour le moment, l'épidémie de l'Ouganda est limitée. Au Congo on a vu des 300-400 cas.»

Le Dr Pépin n'est pas inquiet de l'apparition d'un cas dans la capitale ougandaise: «Un ou deux patients ont aussi été transférés à Kinshasa, au Zaïre, lors d'épidémies dans les années 80 et ça s'était arrêté là.»

L'anthropologie au service de la santé

Depuis une dizaine d'années, l'Organisation mondiale de la santé a modifié ses interventions sur l'avis d'anthropologues. «Lors d'une épidémie en 2000 en Ouganda, les gens de l'OMS se plaignaient que la population n'amenait pas les malades aux hôpitaux, explique Barry Hewlett, anthropologue de l'Université d'État de Washington à Vancouver. Sur place, je me suis rendu compte qu'il était impossible pour la famille de savoir ce qui arrivait à leurs proches dans les unités d'isolement. Les Ougandais croyaient que les Occidentaux vendaient leurs organes. Alors on a installé des barrières d'où les salles d'isolement étaient visibles. On a aussi modifié la manière dont les cadavres étaient enterrés. Maintenant, ils sont lavés et présentés à leurs proches. En Afrique centrale, il est important de pouvoir toucher aux morts avant de les enterrer.»

L'anthropologue a aussi aidé l'OMS a tirer profit des habitudes indigènes de contrôle des maladies. «Ça fait probablement des millénaires qu'ils font face à l'ebola. Ils ont un protocole très détaillé pour isoler les malades. Ce sont des malades survivants, probablement immunisés, qui leur donnent à manger.»