Les Algériens éliront jeudi leurs députés après des réformes mises en oeuvre par le pouvoir pour parer à un Printemps arabe, avec pour enjeu le score des islamistes, déjà au pouvoir, et la participation.

Mercredi, le chef de l'État Abdelaziz Bouteflika a de nouveau pressé les quelque 21 millions d'électeurs, surtout les jeunes, de voter.

«Je m'adresse aux jeunes qui doivent prendre le flambeau car ma génération a fait son temps», a-t-il déclaré lors du 67e anniversaire des massacres de Sétif, dans l'Est algérien. Une phrase, a relevé la presse, qu'il a répétée trois fois.

Nombre de jeunes n'ont cessé d'affirmer leur indifférence envers la classe politique dont ils se sentent coupés. D'ou le refus annoncé de voter, alors que les moins de 35 ans constituent les deux tiers des Algériens.

L'opposition de la rue et les syndicats autonomes, après des émeutes et manifestations sociales de l'an dernier, n'ont pas été associés aux réformes présidentielles sur la presse, les associations, les femmes ou le vote.

Il n'y ont d'ailleurs vu qu'une plus grande mainmise sur le pays de l'État qui a accordé aux protestataires des augmentations salariales et des logements.

Sur le réseau social Facebook, qui annonce 3,3 millions d'utilisateurs en Algérie, des jeunes se souhaitaient mercredi une «heureuse journée de non vote» en programmant une journée de plage.

Le très populaire rappeur Lotfi, brièvement détenu pour une chanson sur le régime algérien appelée La Camorra, a déclaré dans un message sur Youtube son refus de voter, pour ne pas «participer au naufrage de son pays».

La semaine dernière, Echorouk, le plus fort tirage des quotidiens, résumait en Une la désaffection de l'électorat: une photo montrant un coin de rue désert parsemé de tracts et des panneaux électoraux vides avec pour légende: «tout le monde était là (...) sauf les citoyens».

Au dernier scrutin de 2007, un taux d'absention record de 64% a été enregistré, en raison notamment de fraudes constantes depuis l'ouverture du pays au multipartisme en 1989.

Avec 44 partis en lice, dont sept islamistes, 21 nouvelles formations et plusieurs listes indépendantes, une question qui revient sur toutes les lèvres est celui du score islamiste, eu égard à celui remporté dans les pays du Printemps arabe.

L'Assemblée sortante comprend déjà 59 islamistes sur 389 députés qui passeront à 462 dans la nouvelle.

Fraude ou transparence?

Lundi, l'«Alliance de l'Algérie verte», forte de trois de ces partis, s'est dite certaine de remporter les élections «si elles sont honnêtes et non entachées de fraude».

La grande crainte exprimée notamment par les islamistes est un bourrage d'urnes, depuis l'adjonction cette année au fichier de presque 4 millions d'électeurs.

Le président du Front de la justice et du développement (FJD), l'islamiste radical Abdallah Djaballah, évoquait mardi «certains signes (qui) poussent à l'inquiétude», comme «la circulation de quelques bulletins de vote et le gonflement des listes d'électeurs», a-t-il accusé.

Le ministre de l'Intérieur Dahou Ould Kablia a chiffré à 21,6 millions le nombre d'électeurs, pour 37 millions d'Algériens.

A la requête, maintes fois réitérée, de l'Union européenne de consulter le fichier électoral national, le ministre a concédé les fichiers par wilaya (département).

Un diplomate algérien qui a requis l'anonymat a ajouté, dans une déclaration à la presse mercredi, que le fichier national renfermait des «données confidentielles». Il a appelé les observateurs étrangers à éviter «toute polémique ou surenchère qui peut porter préjudice à la crédibilité de (leur) mission».

L'UE a dépêché, à l'invitation d'Alger, 150 parmi les 500 observateurs étrangers au vote du pays d'Afrique le plus étendu (2 381 741 km2).

Jeudi, 48 546 bureaux de vote ouvriront de 8h00 (7h GMT) à 19h pour ce scrutin à la proportionnelle à un tour. Les résultats sont attendus le lendemain mais la participation devrait être connue dans la soirée.

Un total de 24 916 candidats, dont 7700 femmes, sont en lice.

Le Front de Libération Nationale (FLN présidentiel), parti unique en 1962 puis dominant depuis 1989, devrait rester en tête grâce à des électeurs fidèles, selon son patron Abdelaziz Belkhadem.

Le plus vieux parti d'opposition, Front des Forces Socialistes (FFS) du vétéran kabyle Hocine Aït Ahmed, revient dans l'arène électorale après 10 ans de boycottage. Son vieux rival, le Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) boycotte le vote, le jugeant comme une «insulte du malheur algérien».

Le Rassemblement national démocratique (RND) du Premier ministre sortant Ahmed Ouyahia veut pour sa part, avec ces élections, «préserver la stabilité de l'Algérie».

Pour lui, le Printemps arabe est un «déluge» qui a «détruit» la Libye, «divisé» le Soudan et aujourd'hui «affaiblit» l'Égypte.