Le président sud-soudanais Salva Kiir, en visite à Pékin, a accusé mardi le Soudan d'avoir «déclaré la guerre» au Soudan du Sud, visé par de nouveaux bombardements nocturnes de l'aviation soudanaise à proximité de sa frontière.

Khartoum, de son côté, a accusé Juba de vouloir «ébranler sa stabilité» en continuant à soutenir les rebelles sur son territoire, au lendemain du refus annoncé du président soudanais Omar el-Béchir de revenir à la table des négociations avec son voisin du Sud.

Dans la nuit de lundi à mardi, les avions soudanais ont pris pour cible les localités sud-soudanaises de Panakwach et Lalop, dans l'État d'Unité, ainsi que le poste-frontière de Teshwin, une zone contestée, théâtre d'intenses combats entre les deux armées ces derniers jours, a affirmé mardi le gouverneur d'Unité, Taban Deng, à Bentiu, capitale de cet État frontalier.

Les bombardements, qui ont fait plusieurs blessés civils et militaires, ont continué jusqu'aux «premières heures» mardi, a-t-il ajouté, précisant que les frappes les plus profondes avaient été recensées à environ 25 km de la ligne de front, à la frontière non démarquée entre les deux Soudans.

Khartoum dément systématiquement toute frappe aérienne en territoire sud-soudanais, dont certaines ont pourtant été confirmées par l'ONU et des journalistes.

Reçu à Pékin par son homologue Hu Jintao, Salva Kiir a estimé que sa visite intervenait «à un moment critique pour la République du Soudan du Sud parce que notre voisin de Khartoum (nous) a déclaré la guerre».

Principal allié d'un Soudan isolé diplomatiquement depuis les années 90 et son premier partenaire économique, Pékin a aidé Khartoum à devenir un important exportateur de pétrole. Mais la Chine s'approvisionne aussi en or noir auprès du Sud qui, en proclamant son indépendance en juillet 2011, a récupéré les trois quarts des réserves pétrolières du Soudan d'avant la partition.

La ligne de front semblait calme mardi, mais les deux Soudan ont apparemment renforcé leurs effectifs, déployés dans des tranchées le long de leur frontière contestée, où d'intenses combats les ont opposés depuis fin mars dans la zone pétrolière de Heglig, à une soixantaine de kilomètres au nord de Bentiu.

Dans la capitale d'Unité, bombardée lundi par l'aviation soudanaise, le chef adjoint des renseignements militaires, Mac Paul, a affirmé, sans que cela puisse être vérifié, avoir des «informations» selon lesquelles «l'armée soudanaise se mobilise pour une offensive sur Bentiu».

Les relations entre Khartoum et Juba, marquées par des tensions persistantes depuis l'indépendance du Soudan du Sud, se sont sérieusement envenimées récemment, particulièrement après la conquête, le 10 avril par les forces sud-soudanaises, de Heglig, revendiquée par les deux pays, mais jusque-là contrôlée par l'armée soudanaise.

Les militaires soudanais ont repris cette fin de semaine le contrôle de cette zone dont les puits fournissent au Soudan la moitié de sa production de brut. Khartoum affirme en avoir chassé militairement les troupes sud-soudanaises, tandis que Juba assure s'en être retiré volontairement pour répondre aux demandes internationales.

La Chine dirige le consortium GNOPC exploitant Heglig, dont les installations ont été sérieusement endommagées par les récents combats.

De son côté, le ministère soudanais des Affaires étrangères a accusé dans la nuit de lundi à mardi le gouvernement sud-soudanais de poursuivre «ses activités hostiles pour ébranler la stabilité et la sécurité du Soudan».

Le Soudan accuse régulièrement Juba de soutenir les mouvements rebelles opérant dans la région du Darfour (ouest), ainsi que dans les États du Nil Bleu et du Kordofan-Sud, frontaliers du Soudan du Sud qui de son côté dément.

À Bentiu, mardi, les autorités d'Unité ont menacé de «répliquer» aux bombardements soudanais, alors que plane le spectre d'une guerre totale entre les deux voisins qui se sont livré des décennies de guerre civile jusqu'en 2005.

«On nous a demandé d'évacuer Heglig: nous l'avons fait. On leur (au Soudan) a demandé de cesser les bombardements aériens et les incursions au Soudan du Sud, ils n'ont pas obtempéré», a souligné M. Deng.

«Nous sommes capables de nous défendre nous-mêmes, et notamment de retourner à Heglig (...) je pense que tout le monde devrait réfléchir à cela sérieusement», a prévenu Taban Deng.