Le Soudan a repris vendredi le contrôle de la zone frontalière contestée de Heglig à la suite de violents combats, le Soudan du Sud évoquant pour sa part un repli volontaire sous pression internationale.

«Nos troupes ont pu libérer la ville de Heglig par la force, et l'ont reprise à 14h20 (7h20, heure de Montréal) aujourd'hui», a annoncé à Khartoum le ministre soudanais de la Défense, Abdelrahim Mohammed Hussein.

Deux heures auparavant, le président sud-soudanais Salva Kiir avait annoncé avoir ordonné à son armée de se retirer immédiatement de cette région qu'elle avait conquise le 10 avril dernier, mettant depuis les deux pays au bord d'une guerre ouverte.

M. Kiir a cependant affirmé, dans un communiqué lu par un porte-parole à Juba, n'avoir fait que céder aux pressions répétées de la communauté internationale.

Le chef du jeune État sud-soudanais a passé sous silence les offensives de l'armée soudanaise que, selon le porte-parole de l'armée sud-soudanaise Philip Aguer, les troupes de Juba essuyaient depuis jeudi.

Des témoignages recueillis par l'AFP à Bentiu, en territoire sud-soudanais, faisaient état de combats se poursuivant vendredi matin à Heglig, distant d'une soixantaine de kms, et de nombreux soldats sud-soudanais revenant blessés du front.

«La République du Soudan du Sud annonce que les troupes de la SPLA (armée sud-soudanaise) ont reçu l'ordre de se retirer» de Heglig, a déclaré vendredi le porte-parole du gouvernement sud-soudanais, Barnaba Marial Benjamin, lisant un communiqué présidentiel devant la presse. «Un retrait ordonné va commencer immédiatement et devra être terminé dans les trois jours.»

Salva Kiir a souligné qu'il considérait toujours Heglig comme une partie intégrante du territoire sud-soudanais.

Le président soudanais, Omar el-Béchir, qui ne décolérait pas de la prise de Heglig par les troupes de Juba, avait de son côté promis jeudi de «donner une leçon par la force» au Soudan du Sud.

La zone de Heglig, frontalière et revendiquée par les deux parties, est ultra-stratégique : elle assurait jusqu'aux récents affrontements au moins la moitié de la production de pétrole du Nord.

États unis, Union africaine, Nations unies... la communauté internationale multipliait ces derniers jours les appels à son évacuation par les soldats sud-soudanais et ne cessait d'inviter les deux parties à la retenue, afin d'éviter une nouvelle guerre ouverte.

Condamnations internationales

Jeudi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, avait jugé «illégale» la prise de Heglig par Juba. Le responsable onusien avait dans le même temps pressé le Soudan de «cesser immédiatement de bombarder» le Soudan du Sud et de se retirer d'autres territoires à la souveraineté contestée, comme la région d'Abyei.

Avant les accords de paix de 2005, qui ont mené à la partition du Soudan en juillet dernier, le Nord et le Sud se sont livré des décennies de guerre civile. La dernière vague du conflit, de 1983 à 2005, a fait au moins 2 millions de morts.

Plusieurs différends entretiennent, depuis l'accès à l'indépendance du Soudan du Sud, les tensions entre Juba et Khartoum.

Ils portent notamment sur le tracé frontalier, contesté par les deux parties en de nombreux points, le partage des ressources pétrolières du Soudan d'avant la partition -Juba a hérité des trois quarts des réserves, mais est entièrement tributaire des infrastructures du Nord pour exporter-. Les deux capitales s'accusent aussi d'alimenter chacune une rébellion sur le sol de l'autre.

Depuis quelques jours, les affrontements entre les armées des deux Soudans ont eu tendance à s'étendre le long de la frontière commune.

Et si la communauté internationale craint une nouvelle guerre ouverte entre les deux voisins, la mission de la paix Union africaine-Nations unies (MINUAD) au Darfour a aussi dit craindre, au Darfour, une exploitation des affrontements Nord-Sud par des rebelles.

Dans un autre État soudanais en proie depuis des mois à la rébellion, le Nil Bleu, frontalier du Soudan du Sud, les rebelles de la branche Nord du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM-N) ont aussi fait état d'une recrudescence des combats depuis la prise de Heglig. Vendredi, ils ont affirmé avoir eux-mêmes tué 79 soldats et miliciens à quelque 35 km d'Ed Damazin, chef-lieu de l'État.