Avec leur paquetage souvent ficelé à la hâte, des dizaines de familles, essentiellement des femmes et des enfants, se pressaient lundi à la gare routière de Bissau pour tenter de fuir vers la province dans la crainte de violences après le coup d'Etat du 12 avril.

Dans la cohue et les cris, les rabatteurs se précipitent dès qu'un mini-bus entre en gare pour vendre des places aux candidats au départ qui attendent parfois depuis le début de la matinée.

Vendeur sur le marché de la gare Encerramento, à la périphérie de Bissau, Ibrahim Sarr témoigne que «depuis le début de la matinée, ça n'a pas arrêté, le flux des camions et des autocars...»

Depuis plusieurs heures, Fatima Cissé attend avec sa petite fille l'autocar qui la conduira à Bissora, à 80 km au nord de Bissau. «Je pars et j'emmène mon enfant», explique cette femme élégante en jupe bleue et chemisier, assise par terre, au milieu de ses innombrables bagages: sacs, valises, simples ballots ou encore bassines. «Je ne sais pas ce qui va arriver. J'ai peur», dit-elle. «Entre eux (les autorités politiques et les militaires, ndlr), il n'y a pas d'entente, alors je vais rejoindre ma belle-mère».

Bébé Djasse part, elle aussi, avec sa fille d'une quinzaine d'années pour rejoindre le village de ses parents et explique qu'elle rentrera «si le calme revient dans la capitale».Pourtant, l'armée bissau-guinéenne a appelé lundi la population à ne pas céder à la «panique» face aux «rumeurs», affirmant avoir le «contrôle» de la situation.

Amadou Fofana, originaire de Guinée-Conakry, est dubitatif. Ce vendeur de viande grillée, qui a déboulé à la gare en short et T-shirt avec femme, enfants et bagages, veut «rentrer au pays». «J'ai confié mes affaires et les clés de ma maison à un voisin», explique-t-il. «On a déjà vécu l'horreur du 7 juin 1998 et on préfère partir que de vivre ça à nouveau».

«Pas de stabilité à Bissau»

À l'époque, un soulèvement militaire, comme en a beaucoup connu la Guinée-Bissau depuis son indépendance en 1974, avait plongé le pays dans un conflit sanglant qui a fait plusieurs centaines de morts et poussé à l'exode des centaines de milliers de personnes.«Il n'y a pas de stabilité à Bissau. C'est à cause des hommes politiques et des militaires!», accuse Casimiro Mancabo, venu accompagner sa femme et ses enfants en partance pour Bissora. «Son père et sa mère sont là-bas, elle va y rester jusqu'à la fin de la récolte de cajou», dit-il. Autour, des gens crient, de nombreux enfants pleurent, mais aucun militaire n'est visible. Un homme arrive, pressé. Il dit avoir «appris que le Portugal va envoyer un bateau. Alors je prends mes cliques et mes claques!», lance-t-il, se faisant l'écho d'une des nombreuses rumeurs d'intervention étrangère imminente.

Lisbonne, ancienne puissance coloniale, a annoncé dimanche l'envoi de moyens aériens et navals dans la région afin de préparer une éventuelle évacuation de ses 4000 ressortissants. Un autre voyageur confesse ne rien savoir des rumeurs: «Je ne sais pas ce qui se passe. Je vois des gens partir, alors, moi aussi je pars», déclare-t-il simplement.