Des tirs d'armes lourdes ont été entendus jeudi soir dans la capitale de la Guinée-Bissau, dont le centre-ville a été bouclé par des militaires, selon un haut diplomate et un responsable militaire.

Le diplomate a affirmé que les tirs avaient commencé après la disparition inexpliquée du signal radio à Bissau. Il a déclaré ne pas savoir où se trouve le président par intérim Raimundo Pereira, qui a pris le pouvoir en janvier après la mort du président Malam Bacai Sanha.

Le diplomate, qui a réclamé l'anonymat, a déclaré qu'il se trouvait dans son bureau et qu'on l'empêchait d'en sortir.

Un responsable militaire, qui a lui aussi réclamé l'anonymat, a affirmé que des soldats encerclaient le domicile du premier ministre Carlos Gomes Jr. D'après ce responsable, les soldats ont attaqué la résidence avec des grenades. On ne sait pas si le premier ministre se trouvait dans sa maison au moment de l'attaque ni où il se trouve maintenant.

Une tentative de coup d'État pourrait être en cours en Guinée-Bissau. Comme lors de précédents coups d'État, les tirs ont commencé après la perte du signal du radiodiffuseur public.

Le mois dernier au Mali voisin, des soldats mutins se sont emparés de l'édifice de la télévision nationale tout juste après avoir pris le palais présidentiel. Ils se sont ensuite présentés à la caméra pour annoncer leur coup d'État.

L'attaque à Bissau survient quelques jours avant le deuxième tour de l'élection présidentielle, prévu le 29 avril, dans lequel M. Gomes est considéré comme le favori. Son rival Kumba Yala, un ancien président renversé lors d'un coup d'État en 2003, est arrivé deuxième au premier tour, avec 23 pour cent des voix. Mais la tenue du second tour est incertaine depuis que M. Yala a annoncé qu'il boycottait le scrutin pour cause de fraudes.

Un résidant de Bissau, Edmond Ajoye, qui travaille pour une organisation néerlandaise, a raconté qu'il se trouvait à cinq kilomètres de sa maison quand les tirs ont commencé.

«C'était la panique. Les femmes se sont enfuies en courant, a-t-il dit. On entendait des tirs de roquettes et les soldats tiraient avec des armes montées sur leurs véhicules.»

«Les soldats ont pris le centre-ville», a-t-il ajouté. «Les tirs ont duré de 19 h à 21 h. Ils se sont ensuite rendus d'une ambassade à l'autre pour s'assurer que les politiciens ne tentent pas de s'y réfugier.»

Même les diplomates expérimentés ont été pris par surprise. Le haut diplomate qui s'est entretenu avec l'Associated Press par téléphone jeudi soir a affirmé qu'il ne pouvait pas sortir de son bureau.

«Je suis au bureau et on m'empêche de sortir, a-t-il déclaré. La zone du centre-ville a été bouclée par les militaires. Je peux aussi vous dire que la radio de Guinée-Bissau n'est plus en ondes depuis 20 h, heure locale, et que la situation du premier ministre et du président par intérim n'est pas connue.»

La Guinée-Bissau a déjà vécu plusieurs coups d'État réussis, des coups d'État ratés et une guerre civile depuis son indépendance du Portugal, en 1974. Le petit pays d'Afrique de l'Ouest est encore plus déstabilisé depuis le développement du trafic de cocaïne sur son territoire, alimenté par les trafiquants latino-américains qui ont découvert les avantages des îles bissau-guinéennes inhabitées. Les trafiquants utilisent ces îles pour faire atterrir de petits avions chargés de drogue, qui est ensuite transportée vers l'Europe.

Selon de nombreux spécialistes, les trafiquants sont de mèche avec plusieurs membres du gouvernement et de l'armée. Certains qualifient la Guinée-Bissau de «narco-État».