Le président malien Amadou Toumani Touré, renversé le 22 mars, a démissionné dimanche, ouvrant la voie au départ des putschistes et à l'arrivée d'un président de transition qui aura pour premier défi de tenter de pacifier le Nord aux mains des rebelles touareg et d'islamistes armés.

Un groupe dissident d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a par ailleurs revendiqué l'enlèvement du consul d'Algérie et de six membres de sa mission jeudi à Gao, dans le nord-est du Mali, ce qui porte à 20 le nombre d'otages de jihadistes dans le Sahel.

«J'ai décidé de vous remettre ma lettre de démission», a déclaré Amadou Toumani Touré (ATT), en boubou et chéchia blancs, l'air fatigué et amaigri, en rencontrant le ministre burkinabè des Affaires étrangères Djibrill Bassolé, en charge de la médiation ouest-africaine.

Sur des images diffusées par des télévisions, il a assuré démissionner «sans pression du tout», «de bonne foi» et «surtout pour l'amour» de son pays.

Il s'agissait de la première apparition publique de l'ex-président Touré, dont le lieu de résidence est tenu secret depuis le putsch. M. Bassolé l'a rencontré au domicile d'un proche d'ATT, dans un quartier ouest de Bamako.

La junte a conclu vendredi un «accord-cadre» avec la médiation conduite par le Burkina pour le compte de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), par lequel elle s'engage à rendre le pouvoir aux civils après la démission d'ATT.

Le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, s'est vu comme ses compagnons offrir l'amnistie. Il doit désormais se retirer au profit du président de l'Assemblée nationale, Dioncounda Traoré, qui sera le président de la période de transition devant s'achever par des élections présidentielle et législatives à une date non précisée.

Un Premier ministre de transition doit également être désigné, dont l'identité alimente les spéculations à Bamako.

Parmi les noms qui circulent figurent celui d'un Arabe du Nord, Zahby Ould Sidi Mohamed, fonctionnaire de l'ONU au Soudan, mais aussi ceux de plusieurs candidats à la présidentielle, même si certains préféreraient une personnalité au profil moins partisan.

Revendication du Mujao

Le président burkinabè Blaise Compaoré a salué une «première» avancée - la Cédéao a aussitôt levée son embargo «total» - tout en soulignant que la crise au Nord restait à résoudre.

Elle a été précipitée par le coup d'Etat dont les auteurs accusaient ATT d'«incompétence» dans sa gestion de l'offensive rebelle lancée en janvier. La moitié septentrionale du pays est passée il y a une semaine sous le contrôle d'indépendantistes touareg, d'islamistes armés et de divers groupes criminels.

Le Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao) a déclaré «officiellement sa responsabilité dans l'enlèvement du consul algérien et six (membres) de son équipe à Gao» survenu jeudi, dans un message transmis à l'AFP.

Le Mujao avait revendiqué en décembre 2011 le rapt fin octobre dans l'ouest de l'Algérie de deux Espagnols et une Italienne qui, selon un porte-parole du groupe, sont toujours retenus par ces jihadistes.

Réunis à Nouakchott, des ministres de la Mauritanie, de l'Algérie et du Niger - qui forment avec le Mali, absent, le groupe des pays «du champ» - ont appelé à «l'amorce d'un processus de négociation» entre un nouveau pouvoir central «fort et consensuel» à Bamako et la rébellion, qu'ils jugent pourtant «largement noyautée par les groupes armés terroristes».

Le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), principal mouvement de la rébellion touareg, a proclamé vendredi l'indépendance du Nord, une déclaration rejetée par toute la communauté internationale.

Sur le terrain, le MNLA ne semble en réalité plus maître du jeu, supplanté par les islamistes du mouvement rival Ansar Dine d'Iyad Ag Ghaly, appuyé par Aqmi.

La création dimanche d'un nouveau groupe armé dénommé «Front de libération nationale de l'Azawad» (FLNA), qui revendique 500 éléments, ajoute à la confusion.

La Cédéao a brandi de nouveau la menace d'un recours à la force pour mettre fin à la partition du Mali. Elle envisage d'y envoyer une force de 2000 à 3000 soldats, mais sa mission et ses moyens restent très flous.

L'Algérie a averti que pour elle «la solution ne peut être que politique», jugeant qu'«un effort militaire» pourrait aggraver une situation «déjà fragile et bien complexe».

Enfin, dans son message pascal, le pape a demande au «Christ d'accorder au Mali, qui traverse un délicat moment politique, la paix et la stabilité».