Les rebelles touareg ont pris vendredi le contrôle de la ville stratégique de Kidal, dans le nord-est du Mali, poussant la junte militaire à s'alarmer de cette situation «critique» et à appeler au soutien «extérieur» pour endiguer cette avancée.

Après 48 heures de combats, le groupe armé islamiste Ansar Dine, appuyé par des éléments du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA), le grand groupe rebelle touareg, a pris le contrôle de Kidal (1000 km au nord-est de Bamako) dans la matinée.

Le chef d'Ansar Dine, Iyad Ag Ghaly, natif de Kidal, a fait peu après une entrée triomphale dans la ville, où il est arrivé «à la tête d'un cortège de véhicules» sur lesquels flottait le drapeau noir frappé du sceau du prophète, habituel emblème des salafistes et des islamistes radicaux, selon des témoins.

Un député et fils du chef traditionnel de Kidal, Intallah, compte également parmi les commandants d'Ansar Dine.

Le camp de la Garde nationale (armée) a été pillé en partie et incendié. Des maisons d'officiers ont également été pillées.

Le gouverneur de la région et six autres officiels locaux sont détenus «en sécurité» chez un chef traditionnel, selon un responsable local. Figurent parmi eux le commandant de zone de l'armée, le colonel des unités spéciales et le chef de la gendarmerie.

Aucun bilan des pertes n'était disponible en fin de journée.

Toujours selon des témoins, des éléments d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) auraient pris part à l'attaque.

Le MNLA, qui affiche une position laïque, ne partage pas les objectifs d'Ansar Dine (défenseur de l'islam, en arabe), qui vise l'instauration de la charia (loi islamique) et a des liens avec Aqmi, mais les deux groupes combattent parfois ensemble l'armée malienne par stratégie.

Accompagné de plusieurs dizaines d'hommes, le chef des forces gouvernementales à Kidal, le colonel-major Aladji Gamou, lui-même touareg, a fait retraite en direction de Gao (à 350 kilomètres au sud-ouest) où se trouve l'état-major régional de l'armée malienne.

Le nord du Mali subit depuis la mi-janvier une vaste offensive des rebelles touareg et de groupes islamistes.

Avec les localités d'Aguelhok, Tessalit, Tinzawaten et aujourd'hui Kidal, les rebelles contrôlent désormais la quasi-totalité du nord-est malien, considéré comme le berceau des Touareg. Gao et Tombouctou (nord-ouest) restent sous contrôle de l'armée.

La junte au pouvoir depuis le coup d'État militaire qui a renversé le 22 mars le président Amadou Toumani Touré (dit ATT) a invoqué l'échec du régime contre la rébellion pour justifier son putsch.

Acculée face aux rebelles, la junte, par la voix de son chef, le capitaine Amadou Sanogo, a jugé vendredi matin la «situation critique».

«Excuses»

«Les rebelles continuent à agresser notre pays et terroriser nos populations» et «notre armée a besoin du soutien des amis du Mali», a prévenu le capitaine Sanogo au cours d'une conférence de presse.

Il a déploré «un incident malheureux indépendant de notre volonté», après l'échec de la médiation de chefs d'État ouest-africains jeudi à Bamako, qui ont annulé leur venue en raison d'une manifestation pro-junte à l'aéroport.

Le chef des mutins a présenté ses «excuses» à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et aux partenaires du pays.

Choisissant la manière forte, les chefs d'État ouest-africaines ont menacé la junte d'un embargo «diplomatique et financier» faute d'un retour à l'ordre constitutionnel d'ici lundi. Une telle mesure provoquerait immédiatement l'asphyxie du Mali, pays pauvre et enclavé.

«Nous avons compris la position de la Cédéao, nous nous félicitons surtout de la volonté de part et d'autre de continuer à privilégier le dialogue», a commenté le chef des putschistes, qui a «invité la Cédéao à approfondir davantage son analyse de la situation», sans pour autant proposer formellement aux chefs d'État de revenir à Bamako.

Face aux condamnations internationales unanimes, les putschistes se sont efforcés jusqu'à présent d'instaurer un état de fait, multipliant les mesures visant à une normalisation, notamment l'adoption d'une Constitution censée régir la transition jusqu'à des élections à une date non déterminée.

Ils savent pouvoir s'appuyer sur l'adhésion d'une partie des Maliens vivant dans la pauvreté et écoeurés par la corruption.

Mais à Bamako, le climat s'est détérioré ces dernières heures, avec des affrontements jeudi entre pro et anti-junte, alors que la presse internationale est de plus en plus prise à partie par les partisans du nouveau régime.

Les États-Unis se sont dit vendredi «très inquiets» de l'avancée des rebelles touaregs et ont pressé une nouvelle fois la junte militaire de se retirer.