Les chefs d'État ouest-africains ont annulé jeudi, à la suite d'une manifestation pro-junte à l'aéroport de Bamako, leur venue au Mali où ils devaient arracher un compromis pour le retour à l'ordre constitutionnel après le coup d'État du 22 mars.

Le même jour, la rébellion touareg a lancé une attaque sur la ville stratégique de Kidal, dans le nord-est du Mali, région qui est le berceau des Touareg et où elle a déjà pris plusieurs localités depuis la mi-janvier.

À Bamako, des dizaines de manifestants favorables à la junte ont envahi brièvement dans la matinée le tarmac de l'aéroport. Ils entendaient protester contre l'arrivée prévue à la mi-journée de cette délégation de chefs d'État de la CÉDÉO (Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest) conduite par son président en exercice, l'Ivoirien Alassane Ouattara.

Ils ont rapidement évacué la piste, mais la mission ouest-africaine a été annulée peu après. «Le sommet est reporté à cause de problèmes de sécurité tout à l'heure sur l'aéroport de Bamako», a indiqué sur place le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé.

Autour de M. Ouattara se sont retrouvés pour une réunion d'urgence à Abidjan les présidents Blaise Compaoré (Burkina), médiateur dans la crise, Thomas Boni Yayi (Bénin), Ellen Johnson Sirleaf (Liberia) et Mahamadou Issoufou (Niger).

Au moment où étaient attendus les chefs d'État au Mali, des incidents ont éclaté entre partisans et adversaires de la junte au QG du front anti-putschistes dans la capitale. «Il y a trois blessés graves» à l'issue de ces incidents, a-t-on appris de source hospitalière.

Le déplacement à Bamako de la CÉDÉAO était pourtant capital: trouver une issue à la crise née du putsch contre le président Amadou Toumani Touré (ATT), renversé à quelques semaines de la présidentielle du 29 avril.

En sommet à Abidjan mardi, ces dirigeants, qui ont suspendu le Mali de la CÉDÉAO, avaient décidé d'envoyer cette délégation pour «permettre un retour rapide à l'ordre constitutionnel».

Selon Djibrill Bassolé, la CÉDÉAO travaille sur un compromis consistant en une «transition» dirigée par Dioncounda Traoré, président de l'Assemblée nationale dissoute par la junte.

Attaque rebelle

À Abidjan, l'organisation ouest-africaine a également brandi la menace de la force à l'intention des putschistes comme des rebelles, autorisant «la montée en puissance de sa force pour parer à toute éventualité».

Mais le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'État (CNRDRE, junte) n'a pour l'instant donné aucun signe d'ouverture.

À l'inverse, les putschistes ont accéléré la consolidation de leur pouvoir, adoptant une nouvelle Constitution qui consacre la prééminence des militaires jusqu'aux élections présidentielle et législatives qui clôtureront la transition et dont la date n'est pas déterminée.

La junte a affirmé qu'aucun de ses membres n'était autorisé à se présenter à ces scrutins.

Le président ATT, qui avait décidé de se retirer de la scène après ses deux mandats constitutionnels de cinq ans, semble pour l'heure hors jeu. Mercredi, sortant de son silence, il a déclaré à l'AFP qu'il se trouvait «à Bamako» et qu'il n'était «pas prisonnier», mais sans préciser sa localisation exacte.

La crise politique se double d'une crise militaire, alors qu'une nouvelle rébellion touareg et des groupes islamistes armés ne cessent de progresser dans le nord du pays, et sont passés à l'action à Kidal.

«Nous sommes en train d'être attaqués par les rebelles (du Mouvement national pour la libération de l'Azawad, MNLA) et des hommes d'Iyad (Ag Ghaly, chef du groupe armé islamiste Ansar Dine). Nous sommes en train de nous défendre», a déclaré un militaire malien joint par l'AFP à Kidal.

Le MNLA attaque la ville par le nord, tandis qu'Ansar Dine mène un assaut par le sud, a-t-il précisé. «Nous attaquons actuellement», a confirmé un combattant d'Ansar Dine jeudi après-midi.

La junte au pouvoir depuis le coup d'État de la semaine dernière a invoqué l'échec du régime d'ATT contre la rébellion pour justifier son putsch.