La junte militaire qui a renversé au Mali le pouvoir du président Amadou Toumani Touré, a assuré vendredi contrôler la télévision publique ORTM, après une brève interruption des émissions pour une raison non expliquée, et la situation dans le pays.

Dans une déclaration lue à l'antenne, un membre du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l'État (CNRDRE, junte) a démenti des «rumeurs faisant état de la destruction de l'ORTM et de l'arrestation et l'assassinat du président du CNRDRE», le capitaine Amadou Sanogo.

«Je tiens à vous rassurer que tout va bien à l'ORTM d'où je parle en ce moment. (...) Nous vous invitons à vaquer normalement à vos occupations», a ajouté ce putschiste, qui n'a pas été identifié, peu après 19h30 (locales et GMT).

Il s'exprimait après une interruption des programmes de la télévision pendant environ 30 minutes vendredi après-midi, qui n'a pas été expliquée.

Les émissions avaient repris vers 18h40, avec comme inscription à l'écran: «Nous nous excusons pour l'interruption des programmes de la télé. Nous invitons la population à ne pas céder à la panique. L'ORTM est sous le contrôle effectif du CNRDRE. Les agents et le matériel sont sécurisés».

La junte, composée essentiellement d'hommes du rang, a annoncé jeudi avoir déposé le président Touré, dissous toutes les institutions du pays et suspendu la Constitution.

Ses membres sont des soldats qui s'étaient mutinés la veille, et avaient investi mercredi après-midi le siège de l'ORTM - rassemblant radio et télévision publiques - qu'ils contrôlent depuis.

Peu avant l'interruption des programmes de la télévision malienne, des salariés de ces médias avaient indiqué à l'AFP avoir été priés de quitter les lieux, sans autre explication.

«Les militaires sont venus nous voir pour nous demander de partir, parce qu'il y a une alerte», a affirmé par téléphone un de ces salariés sous couvert d'anonymat, alors que des témoignages indirects faisaient état d'une présence de militaires plus importante qu'en début de journée à l'ORTM. Mais ces informations n'avaient pu être confirmées par d'autres sources, notamment militaires.

Réaction américaine

Les États-Unis ont prévenu vendredi que l'aide économique et militaire de 70 millions de dollars qu'ils versent au Mali risquait d'être compromise si les responsables du coup d'État militaire ne rétablissaient pas l'ordre constitutionnel dans le pays.

«Toute assistance américaine au gouvernement du Mali en dehors de ce que l'on fournit dans un but humanitaire est remise en question si nous n'assistons pas au retour d'une situation démocratique» au Mali, a déclaré la porte-parole du département d'État américain Victoria Nuland.

Mme Nuland a précisé que les États-Unis versaient 70 millions de dollars pour la nourriture et les besoins humanitaires, tandis que 70 autres millions étaient consacrés à l'assistance militaire, économique et l'aide au développement du pays.

Jeudi, la porte-parole avait dans un premier temps indiqué que l'aide non humanitaire représentait entre 137 et 140 millions de dollars, au moment où elle annonçait pour la première fois à la presse que l'aide américaine au Mali était réexaminée.

Entre-temps, Mme Nuland a souligné que les États unis avaient décidé --après consultation des différentes agences fédérales, des responsables africains et de contacts au Mali-- de soutenir les efforts ouest-africains visant à restaurer la démocratie.

«Nous allons apporter tout notre soutien à la mission de la Cédéao (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, ndlr) et nous espérons qu'elle réussira», a lancé Mme Nuland.

Les États-Unis ont fermement condamné jeudi le coup d'État militaire au Mali et exigé le «retour immédiat de l'ordre constitutionnel», après que des soldats eurent annoncé avoir fermé toutes les frontières du pays et renversé le président Amadou Toumani Touré.

Le Mali est confronté depuis mi-janvier à des attaques du Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) et d'autres rebelles touareg, dont des hommes lourdement armés qui avaient combattu pour le régime de Mouammar Kadhafi en Libye.

La rébellion touareg a indirectement provoqué le coup d'État de soldats excédés par le manque de moyens. Le MNLA dit vouloir continuer à agir «pour déloger l'armée malienne et son administration de toutes les villes de l'Azawad» (nord), le berceau des Touareg.

«Il va falloir qu'il y ait des efforts de médiation entre le gouvernement et les militaires», a poursuivi Mme Nuland.

La porte-parole, qui a également fait part de ses craintes quant à la présence d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, a dit ne pas savoir si les responsables de l'antiterrorisme américain dans le pays avaient été en mesure de poursuivre leurs opérations ces deux derniers jours.

Mme Nuland a enfin soulevé que Washington était conscient que «le président Touré est toujours au Mali, il est en sécurité et protégé par des éléments loyaux au gouvernement élu démocratiquement».