Les candidats à la présidentielle de dimanche au Sénégal ont organisé leurs derniers rassemblements de campagne, vendredi, tandis que des manifestants se sont rassemblés dans les rues de la capitale pour dénoncer la candidature du président Abdoulaye Wade.

Plus d'une centaine de femmes vêtues de blanc, symbole de paix, ont notamment marché dans le centre-ville de Dakar dans l'après-midi. Elles portaient des foulards rouges sur la tête, une allusion au carton rouge utilisé par les arbitres lors des matchs de soccer. Les manifestantes ont expliqué qu'elles voulaient avertir le président Abdoulaye Wade qu'il transgresse les règles de la Constitution en sollicitant un troisième mandat.

M. Wade, âgé de 85 ans, brigue un troisième mandat alors que la Constitution n'en autorise normalement que deux. Un total de 14 candidats, dont 13 de l'opposition, sont en lice.

L'opposition a prévenu qu'elle rendrait le pays ingouvernable en cas de réélection du président. Dans un entretien diffusé vendredi par la chaîne de télévision France 24, le premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye a estimé que Wade pourrait l'emporter dès le premier tour, car il reste selon lui très populaire.

«Si Abdoulaye Wade perd les élections de façon démocratique, il félicitera le vainqueur et il s'en ira. Et nous aussi, nous nous en irons», a assuré le chef du gouvernement, excluant un report du scrutin.

Abdoulaye Wade a fait réviser la Constitution en 2001 pour y inscrire la limite de deux mandats présidentiels de sept ans, mais le Conseil constitutionnel a statué que cette disposition ne s'appliquait pas à lui puisqu'il avait été élu avant son adoption, en 2000. Il avait initialement réduit la durée du mandat à cinq ans, puis l'a ramenée à sept ans en 2008.

Bien que Wade soit crédité d'avoir lancé les plus grands chantiers de l'histoire du Sénégal, avec notamment la construction de routes, de stades et d'écoles, son gouvernement est accusé de corruption et la nomination de son fils à des postes stratégiques du gouvernement est vivement critiquée.

Karim Wade, actuellement ministre de l'Urbanisme, de l'Habitat, de la Construction et de l'Hydraulique, est surnommé «monsieur 15 pour cent» dans les câbles diplomatiques en raison de la part qu'il est soupçonné de toucher sur les contrats publics. L'opposition accuse désormais le président Wade de dérive monarchique et autoritaire.

Au moins six personnes sont mortes dans les manifestations et les accrochages qui ont éclaté régulièrement ces trois dernières semaines, après le feu vert du Conseil constitutionnel à un troisième mandat d'Abdoulaye Wade.

Soucieux d'éviter que la situation ne dégénère encore, l'ancien président nigérian Olusegun Obasanjo, arrivé cette semaine à Dakar en tant que chef d'une mission d'observation de l'Union africaine, a entrepris de rencontrer les différents responsables politiques.

M. Obasanjo s'est entretenu mercredi soir avec M. Wade, selon le porte-parole présidentiel Serigne Mbacké Ndiaye, qui n'a rien révélé de la teneur de la discussion. Il a aussi rencontré des membres de l'opposition sénégalaise jeudi, dont le chanteur Youssou N'Dour, ainsi que le président de la Cour constitutionnelle.

Les médias sénégalais ont affirmé que les cinq juges de l'instance suprême, nommés par le président, avaient reçu de nouvelles voitures et que leur salaire avait été augmenté de 10 000 $ par mois en prévision de l'élection.

Le sous-secrétaire américain aux Affaires étrangères chargé de l'Afrique, Johnny Carson, doit se rendre à Dakar pour observer le scrutin dimanche. Les États-Unis ont qualifiée de «regrettable» la candidature du président Wade, tandis que le ministre français des Affaires étrangères a déploré que «certaines sensibilités ne soient pas représentées» à l'élection, appelant M. Wade à organiser le «passage de génération».