Des membres du mouvement de jeunes sénégalais Y'en a marre ont comparu mercredi à Dakar et plaidé non coupable de «participation à une manifestation interdite», tandis qu'un petit rassemblement d'opposants tout aussi interdit s'est déroulé contre le président Abdoulaye Wade.

L'Union européenne (UE) et les États-Unis, alliés traditionnels du Sénégal, ont appelé le gouvernement à respecter le droit à manifester librement et demandé à toutes les parties «d'éviter les violences». Les manifestations à caractère politique sont interdites dans le centre de Dakar depuis juillet 2011.

Les dernières tentatives du Mouvement du 23 juin (M23, partis et organisations de la société civile) se sont soldées par des violences entre manifestants et policiers, qui ont fait deux morts depuis le 17 février.

Au moins six personnes sont mortes et des dizaines blessées ou arrêtées depuis fin janvier dans tout le Sénégal lors de violences liées à la contestation de la nouvelle candidature du président Wade, 85 ans dont douze au pouvoir, à la présidentielle de dimanche.

Parmi les personnes arrêtées figurent des membres du collectif citoyen de jeunes Y'en a marre, dont quatre ont comparu mercredi pour avoir voulu organiser malgré une interdiction un sit-in permanent à partir du 16 février sur la Place de l'Obélisque à Dakar jusqu'au retrait de la candidature du chef de l'État.

Ils ont plaidé «non coupables» mais le procureur a requis 6 mois de prison avec sursis. Le jugement a été mis en délibéré au 27 février.

Le M23, comme il le fait presque quotidiennement depuis une semaine, avait appelé à un nouveau rassemblement mercredi sur la Place de l'Indépendance, dont tous les accès avaient été bouclés.

Seules quelques dizaines de personnes sont venues sur une avenue proche, barrée par la police, a constaté l'AFP. Également présents, trois candidats d'opposition à la présidentielle, Idrissa Seck, ex-premier ministre de M. Wade, Ibrahima Fall et Cheikh Bamba Dièye.

«Nous n'avons pas d'armes, nous sommes mains nues face à l'arbitraire et nous ne voulons pas que la démocratie soit écornée, c'est notre seul combat», a déclaré Idrissa Seck à des journalistes.

Les jours précédents, les rassemblements près de la Place de l'Indépendance ont donné lieu à des affrontements et des scènes d'émeutes en plein centre-ville.

Obasanjo consulte

Mardi, le célèbre chanteur Youssou Ndour, dont la candidature à la présidentielle a été rejetée par le Conseil constitutionnel, a été légèrement blessé à la jambe alors que, entouré de centaines de jeunes, il s'approchait des policiers qui lui barraient le passage.

La France a exprimé «sa solidarité et ses voeux de rétablissement» au chanteur et à tous les blessés, en regrettant les violences et les morts.

C'est dans ce contexte que l'ex-président nigérian Olusegun Obasanjo est arrivé mardi à Dakar pour diriger la mission des observateurs de l'Union africaine (UA) à la présidentielle, ce qui n'exclut pas qu'il joue un rôle de «médiateur» pour tenter de faire baisser les tensions.

Mercredi, il a commencé à rencontrer des candidats d'opposition, parmi lesquels Idrissa Seck et un autre ex-Premier ministre de M. Wade, Moustapha Niasse, ainsi que des leaders de Y'en a marre. Aucune indication n'a été donnée sur une rencontre avec le président Wade.

Ce dernier poursuit, impassible, sa campagne électorale entamée le 5 février à travers tout le pays. Mercredi, il était en banlieue de Dakar. Jeudi et vendredi, il restera dans l'agglomération pour ses dernières réunions.

La nouvelle candidature de M. Wade est jugée «illégale» par l'opposition, pour qui il a épuisé ses deux mandats légaux après son élection en 2000 et sa réélection en 2007. Ses partisans soulignent que des réformes de la Constitution en 2001 et 2008 lui donnent le droit de se représenter.