Au Sénégal, la campagne présidentielle bat son plein. Les manifestations contre la candidature d'Abdoulaye Wade se multiplient. Mais la véritable question est: qui peut s'opposer au président sortant par les urnes?

«Je n'aime pas Wade. Mais ils ne me donnent pas trop envie de voter pour eux,» explique nonchalamment Amadou Sarr, commerçant dans le grand marché de Dakar.

«Ils», ce sont les membres du Mouvement du 23 juin ou m23, plateforme réunissant tous les opposants au président Wade. Le 15 février, ils ont tenté une marche vers la place de l'Indépendance, point névralgique du centre-ville. La manifestation, décrétée illégale par les autorités, a été stoppée par les gaz lacrymogènes. Amadou regarde les opposants défiler dans la ville, devant son échoppe fermée par crainte de la casse.

Hier, c'était au tour du collectif Y'en a marre de protester contre la candidature de Wade, une manifestation qui a donné lieu à au moins huit arrestations selon l'AFP. Le collectif carbure au mécontentement des jeunes citadins vivant avec un taux de chômage de plus de 40% et désillusionnés des années Wade.

Corruption

Selon le m23, celui qu'on appelle Gorgui -le Vieux, en wolof- a assuré sa réélection en contrôlant les règles du jeu et en finançant sa campagne grâce aux fruits de la corruption.

«Il ne peut y avoir d'élections au Sénégal avec Wade», croit Youssou N'Dour, populaire chanteur sénégalais et membre du m23. Le chanteur a vu sa candidature pour l'élection présidentielle rejetée par le Conseil constitutionnel, alors que celle du président de 85 ans a été validée même s'il a déjà fait les deux mandats autorisés par la Constitution.

Depuis cette annonce, le m23 multiplie les manifestations qui ont déjà fait quatre morts. Selon eux, la candidature de Wade rend un scrutin démocratique impossible. «On ne lutte pas contre Wade. On lutte contre un système», explique le rappeur Simon, un leader de Y'en a marre.

Mais le jour du scrutin, le 26 février, arrive à grands pas. Et le m23 s'essouffle. Alors qu'ils ont été plusieurs milliers à sortir dans les rues pour défendre leur démocratie, le 23 juin dernier, contre un changement constitutionnel du président Wade, il n'en reste plus qu'une poignée aux manifestations quotidiennes.

Machine électorale

Les manifestations inquiètent peu le président sortant. Déjà, le 23 décembre dernier, l'octogénaire a bloqué l'une des grandes artères de Dakar pour tenir une réunion d'investiture devant des milliers de Sénégalais venus en autocar de tous les coins du Sénégal. Puis, il y a une dizaine de jours, Wade a lancé sa campagne électorale après avoir visité son marabout, chef religieux de la plus importante confrérie musulmane du Sénégal, à laquelle il appartient.

Depuis, sa caravane électorale sillonne les quatre coins du Sénégal. Objectif: rejoindre les 60% de Sénégalais qui vivent de l'agriculture. L'accueil est parfois hostile, mais «maître» Wade multiplie promesses et rencontres. Et surtout, les provocations devant une opposition qu'il dit sans idée ni programme.

Si certains candidats continuent la mobilisation contre la candidature de Wade, d'autres préfèrent abandonner le m23 et faire campagne. L'opposition a tenté de s'entendre en vain sur une candidature unique. Ils sont finalement 13 candidats à se présenter, notamment Ousmane Tanor Dieng, candidat du Parti socialiste, et trois anciens premiers ministres de Wade: Moustapha Niasse, Idrissa Seck et Macky Sall. Divisée, l'opposition devra maintenant convaincre les Sénégalais de voter pour elle.