Des milliers de villageois ont fui lundi au Soudan du Sud dans l'attente d'une intervention des forces gouvernementales et onusiennes pour stopper les représailles d'une tribu rivale qui aurait fait des dizaines de morts ce week-end pour une histoire de vols de bétail.

Les conflits interethniques ont été exacerbés dans ce pays par deux décennies de guerre civile entre le nord et le sud du Soudan, qui a abouti l'été dernier à l'indépendance du Soudan du Sud, mais a nourri les inimitiés historiques entre les différentes tribus.

Dans l'immense province orientale de Jonglei, peuplée entre autres de Murle, quelque 6000 jeunes hommes armés de la tribu des Lou Nuer ont ainsi marché ces derniers jours sur la localité reculée de Pibor, accusant les Murle d'avoir dérobé leur bétail.

Ils ont brûlé des huttes en bordure de village et pillé un hôpital de Médecins sans frontières (MSF).

Le révérend Mark Akec Cien, secrétaire général du Conseil des églises du Soudan, a évoqué de nombreux morts et blessés dans l'affrontement.

«La situation est mauvaise, il y a de lourdes pertes et les Murle ont fui la ville,» a-t-il affirmé, s'exprimant depuis la capitale sud-soudanaise Juba. «Les Lou Nuer sont là, en ville, et d'autres ont poursuivi les Murle.»

Selon le révérend, plus de 30 personnes sont mortes à Lukangol, à une trentaine de kilomètres au nord de Pibor.

Le ministre sud-soudanais de l'information, Barnaba Marial Benjamin, a cependant minimisé les pertes humaines, estimant qu'elles étaient probablement moins élevées qu'initialement craint.

«Les Murle ont quitté leur village avant l'arrivée des Lou Nuer, donc même si certaines structures ont pris feu, il n'y a pas eu tellement de morts,» a-t-il déclaré à l'AFP, estimant que les forces gouvernementales et onusiennes contrôlaient désormais «pleinement Pibor».

«Je ne peux pas vous donner un nombre exact, mais (...) toute la communauté Murle a fui (...) pour des raisons de sécurité,» a renchéri le responsable média du chef du conté de Pibor, Kiringen Yoman Konyi, à la station Sudan Radio Service.

Renforts onusiens

Les violences interethniques, les attaques de campements pour voler le bétail et les mouvements de représailles ont fait plus de 1100 morts dans l'État de Jonglei et forcé quelque 63 000 personnes à quitter leurs maisons l'an dernier, selon un rapport des Nations unies.

Craignant que les dernières violences ne débouchent sur «une tragédie», Juba et la force de maintien de la paix de l'ONU au Soudan du Sud ont envoyé des renforts dans la région: 3000 soldats et 800 policiers selon Lise Grande, coordinatrice de l'action humanitaire de l'ONU dans le pays.

«Nous positionnons un important nombre de militaires et de policiers dans la région (...) pour arrêter ce qui est en train de se passer,» a déclaré le président sud-soudanais, Salva Kiir, sur les ondes de Sudan Radio Service.

«Le comportement insensé qui consiste à mener, tour à tour, des raids pour du bétail ne peut plus être toléré», a-t-il ajouté. «Tout homme politique ou chef de communauté qui encouragerait par ses discours l'hostilité ethnique devra rendre des comptes», a-t-il par ailleurs dit.

Le 26 décembre, un groupe se faisant appeler l'Armée blanche de la jeunesse Nuer avait, dans un communiqué, promis «d'éradiquer totalement la tribu Murle (...), seule façon d'assurer la sécurité à long terme du bétail Nuer».

Le groupe accuse les Murle d'attaquer leurs troupeaux et de tuer les Nuer depuis 2005, année de la signature de l'accord de paix qui a mis fin à la guerre civile entre le Nord et le Sud du Soudan.

À Jonglei comme dans les autres États du pays, les rivalités interethniques et les attaques de troupeaux de vaches sont, avec les mouvements de rébellion persistants, l'un des principaux défis auxquels le jeune Soudan du Sud doit faire face.