Le chef de l'État sénégalais Abdoulaye Wade, 85 ans, a été investi vendredi candidat à la présidentielle de 2012 par son parti, une candidature à nouveau contestée par ses opposants dans la rue au lendemain de violences politiques qui ont fait un mort et trois blessés.

Wade, triomphalement élu en 2000, réélu en 2007, sollicite un nouveau mandat en dépit d'une forte opposition de l'intérieur et d'inquiétudes de pays occidentaux qui jugent que sa candidature peut menacer la stabilité du Sénégal jusqu'alors considéré comme un modèle de démocratie en Afrique.

«Vous venez de m'investir candidat du PDS et de ses alliés, laissez-moi donc vous remercier pour ce geste généreux, mais aussi ce geste de responsabilité qui vous engage et m'engage aussi. J'accepte», a déclaré M. Wade sous un tonnerre d'applaudissements après son investiture. Il a souhaité que la campagne se déroule «dans la paix».

Une investiture qui survient après des violences meurtrières devant la mairie du quartier Sacré-Coeur Mermoz de Dakar, où un échange de coups de feu entre des partisans de Wade et des opposants a fait jeudi un mort et trois blessés.

Quatre personnes ont été entendues et une enquête ouverte «immédiatement» après les violences, selon la police. Les hommes entendus font partie d'un groupe de partisans armés de Wade qui avaient attaqué la mairie dirigée par un membre du Parti socialiste (PS, opposition), Barthélémy Dias.

Selon le PS, qui va porter plainte pour «tentative d'assassinat», cinq véhicules remplis d'hommes de main armés du pouvoir venus à la mairie PS de Mermoz sont à l'origine des violences.

Barthélémy Dias, qui a reconnu avoir tiré des coups de feu, affirmant avoir agi en état «de légitime défense», s'est rendu à une convocation de la police.

«S'il doit être entendu, c'est en qualité de victime et de plaignant, car il n'a tiré qu'en situation d'extrême nécessité pour sa survie», a déclaré un porte-parole du PS, Abdoulaye Wilane. Les leaders socialistes sont invités «à user de la force et des armes pour se défendre», a-t-il ajouté.

«Milices»

Le porte-parole du gouvernement, Moustapha Guirassy, a condamné «toute forme de violence quelle qu'en soit l'origine» et appelé les leaders politiques à tenir «des discours responsables, des discours qui apaisent».

Des ONG sénégalaises de défense des droits de l'homme ont demandé que les «milices» politiques soient interdites pour éviter «le chaos» au Sénégal.

Quelques heures avant l'attaque de la mairie PS, un opposant, Abdoulaye Bathily, avait affirmé que son domicile dakarois avait été visité par des hommes de main du pouvoir qui l'ont menacé, pratique courante dénoncée ces dernières semaines par d'autres dirigeants d'opposition.

C'est dans ce climat de tension que les opposants au président Wade, du Mouvement des forces vives du 23 juin (M23), coalition d'une soixantaine de partis et organisations de la société civile, devaient se rassembler à nouveau sur une place de Dakar pour dire «Non» à sa candidature.

Cette candidature du chef de l'État, âgé de 85 ans «plus la TVA -taxe NDLR», ironisent ses opposants qui affirment qu'il en a au moins 5 de plus, alimente la polémique depuis plusieurs mois au Sénégal.

Réélu en 2007 pour cinq ans après une réforme constitutionnelle en 2001 qui a institué un quinquennat renouvelable une fois, il se représente cette fois pour sept ans après le rétablissement du septennat en 2008.

Pour l'opposition, il a déjà épuisé ses deux mandats légaux, mais ses partisans estiment que le décompte doit se faire à partir de 2007, sur la base de la nouvelle Constitution de 2001.

La presse sénégalaise a publié cette semaine une lettre de quatre élus américains adressée à Wade, jugeant sa candidature porteuse de risques «pour le Sénégal et la démocratie en Afrique». En juillet, la France s'était également inquiétée d'éventuelles répercussions de cette candidature.