Les juges de la Cour pénale internationale (CPI) ont jugé insuffisantes vendredi les charges pesant contre le haut dirigeant des rebelles hutu rwandais Callixte Mbarushimana, soupçonné de crimes contre l'humanité et crimes de guerre dans les Kivus (RDC) en 2009, et ordonné sa remise en liberté.

«La majorité de la Chambre a conclu qu'il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve donnant des motifs substantiels de croire que Callixte Mbarushimana pouvait être tenu pénalement responsable de huit chefs de crimes de guerre et de cinq chefs de crimes contre l'humanité portés contre lui par le procureur», ont estimé les juges dans leur ordonnance.

Le procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo a immédiatement demandé la suspension de l'ordonnance de remise en liberté, avançant le risque que M. Mbarushimana entrave l'enquête et prenne la fuite, et annoncé son intention d'interjeter appel.

Callixte Mbarushimana, 48 ans, secrétaire exécutif des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), avait été arrêté le 11 octobre 2010 à Paris où il vivait depuis 2002, en vertu d'un mandat d'arrêt de la CPI. Transféré à La Haye le 25 janvier, il clamait son innocence.

«C'est un jour fantastique pour M. Mbarushimana mais aussi pour la CPI, parce que nous commencions à penser que cette Cour avait un parti pris pour l'accusation», a réagi Nick Kaufman, l'ancien avocat du Rwandais. Celui-ci a appris la nouvelle lors d'un cours de yoga à la prison de la CPI, a dit l'avocat à l'AFP.

Lors de l'audience de confirmation des charges, du 16 au 21 septembre, l'accusation avait affirmé que Callixte Mbarushimana avait contribué à la commission des crimes commis par les FDLR sur les habitants des Kivus, à l'est de la RDC, en menant notamment une campagne médiatique internationale.

Il était soupçonné de cinq crimes contre l'humanité (meurtre, torture, viols, actes inhumains et persécutions) et de huit crimes de guerre (meurtres, tortures, viols, mutilations, traitements inhumains, destruction de biens, attaques contre la population civile et pillages).

Lors de l'audience de confirmation des charges, destinée à permettre aux juges d'évaluer les éléments de preuve présentés par l'accusation, le procureur adjoint Fatou Bensouda avait affirmé que M. Mbarushimana «représentait la face publique respectable des FDLR».

Selon l'accusation, Callixte Mbarushimana avait contribué à élaborer un «plan commun» d'attaques généralisées contre la population civile des Kivus avec le président des FDLR Ignace Murwanashyaka.

Celui-ci avait été arrêté en novembre 2009 en Allemagne avec son adjoint Straton Musoni. Les deux hommes sont jugés pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre depuis le 4 mai à Stuttgart (Allemagne).

Les FDLR sont considérées comme l'un des principaux fauteurs de troubles dans la région des Grands Lacs africains. Plus de 15 000 cas de violences sexuelles ont ainsi été recensés en RDC en 2009, selon le procureur de la CPI.

Callixte Mbarushimana est par ailleurs mis en examen en France depuis le 21 décembre 2010 pour crimes contre l'humanité pour son rôle dans le génocide au Rwanda en 1994 au cours duquel environ 800 000 Tutsi et Hutu modérés ont été tués, selon l'ONU.

C'est la deuxième fois depuis l'entrée en fonction de la CPI en 2002 que des charges sont abandonnées contre un suspect. Le 8 février 2010, les juges de la CPI avaient en effet refusé de poursuivre Bahar Idriss Abu Garda, un chef rebelle du Darfour, pour crimes de guerre.

L'accusation le soupçonnait d'avoir dirigé une attaque où 12 soldats des forces de maintien de la paix de l'Union africaine (UA) avaient été tués à Haskanita, dans le nord du Darfour, le 29 septembre 2007. L'appel du procureur avait été rejeté le 26 avril 2010.