La situation restait tendue samedi en République démocratique du Congo, surtout à Kinshasa, où des violences ont fait au moins quatre morts après la réélection contestée de Joseph Kabila, et où le pouvoir menace l'opposant Etienne Tshisekedi pour s'être autoproclamé président.

Il était difficile d'établir un bilan sûr des incidents qui se sont produits dans la nuit de vendredi à samedi après la proclamation des résultats de la présidentielle par la Commission électorale (Céni), qui ont donné Joseph Kabila vainqueur avec 48,95% des voix face à Etienne Tshisekedi (32,33%).

Trois «pillards» ont été tués et une femme a été mortellement blessée par une balle perdue lors d'un pillage, entre vendredi soir et samedi midi, selon un bilan provisoire donné à la presse par le chef de la police congolaise, le général Charles Bisengimana.

Selon Radio Okapi, la radio parrainée par la mission de l'ONU, six personnes ont été tuées dans la capitale.

«Globalement les gens auxquels nous avons eu à faire face étaient des pillards et des voleurs. On n'a pas eu affaire à des manifestations politiques», a affirmé le général, qui a évoqué des «arrestations» sans toutefois en préciser le nombre.

«La situation est totalement sous contrôle, la tension a baissé», selon lui.

Depuis vendredi, «Kin» est quadrillée par la police, des militaires et des éléments de la garde républicaine, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Quasiment aucun taxi ou véhicules n'a circulé samedi, les stations-service sont restées fermées comme de nombreux magasins. Quelques détonations sporadiques ont été entendues à la mi-journée.

Vendredi soir, l'opposant Etienne Tshisekedi, 78 ans, s'est autoproclamé «président élu» de la RDC. En rejetant «en bloc» le résultat de la Céni, il a donné son propre score: 54% des voix contre 26% à Joseph Kabila.

Les observateurs internationaux du Centre Carter ont estimé samedi soir que les résultats de la présidentielle «manquent de crédibilité».

«A plusieurs endroits (...) il a été rapporté des taux de participation élevés allant de 99 à 100%, ce qui est impossible, avec toutes ou presque toutes les voix allant» à Kabila, comme au Katanga (sud-est), relève le Centre Carter.

En revanche, dans d'autres régions, «de hauts pourcentages (de voix) similaires pour Etienne Tshisekedi ne révèlent pas la même coïncidence de recueil parfait des résultats des bureaux de vote et une participation extrêmement élevée», ajoute l'ONG.

A Kinshasa, fief de Tshisekedi, le Centre carter a relevé la perte de quelque 2.000 résultats de bureaux de vote.

Ces constatations ne signifient pas «que l'ordre final des candidats est forcément différent» de celui annoncé par la Céni, mais «uniquement que le processus de traitement des résultats n'est pas crédible», conclut l'ONG.

Lors de son autoproclamation, M. Tshisekedia exhorté les Congolais «à rester soudés» derrière lui «pour faire face aux évènements qui vont suivre», mais a toutefois appelé la population à «rester calme et sereine».

Dans une première réaction, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende a qualifié samedi cette proclamation d'«infraction à la loi» et d'«atteinte à la Constitution».

«Nous devons dénoncer fermement l'autoproclamation (comme président élu) de M. Etienne Tshisekedi (...) Il s'agit d'un acte irresponsable qui viole les lois de la République», a-t-il déclaré à la presse.

Inquiète des violences, la communauté internationale, de Washington, à Londres, Bruxelles et Paris, a appelé au dialogue et à l'apaisement, invitant les acteurs politiques à utiliser «les moyens légaux» s'ils veulent contester le résultats. Les 11 candidats en lice ont jusqu'à mardi pour le faire.

Appelant au calme, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé «que tous les différends concernant les résultats provisoires des élections soient résolus pacifiquement par l'intermédiaire des mécanismes légaux et de médiation existants».

Depuis vendredi, la Cour suprême de justice (CSJ) a pris le relais de la Céni et proclamera officiellement le vainqueur le 17 décembre.

Etienne Tshisekedi a exclu d'emblée tout recours devant la CSJ, en la qualifiant d'«institution privée de M. Kabila».

Le Royaume-Uni s'est dit «préoccupé» par des soupçons d'«irrégularités» et a appelé la CSJ à examiner les recours «rapidement et de façon transparente».

La CSJ a déjà fait l'objet de critiques. Fin novembre les missions de l'Union européenne et du Centre Carter ont dénoncé son «manque de transparence» en matière de contentieux électoraux. Jusqu'au 28 octobre, la Cour suprême comptait sept magistrats, mais le président Kabila en a nommé de nouveaux pour arriver à un total de 27.