Des violences meurtrières ont marqué le vote des Congolais lundi pour élire le président de la République démocratique du Congo, lors d'un scrutin à l'organisation chaotique dans un pays qui a connu deux guerres en 15 ans et n'est pas totalement pacifié, notamment dans l'est.

À Lubumbashi - capitale de la province du Katanga (sud-est) - deux policiers et une électrice ont été tués dans l'attaque d'un bureau de vote dans la journée, et un convoi chargé de matériel électoral a été la cible d'une attaque armée dans laquelle sept à huit assaillants ont été tués par la police.

Cette dernière attaque a été revendiquée par des présumés séparatistes katangais.

Plus à l'ouest, à Kananga, dans la province du Kasaï occidental, l'un des fiefs de l'opposant et candidat à la présidentielle Etienne Tshisekedi, des bureaux de vote ont été incendiés après la découverte d'urnes contenant déjà des bulletins avant le début du vote, selon une source onusienne. Les opérations de vote ont été très fortement perturbées dans cette ville.

À Kinshasa, M. Tshisekedi, principal rival du président sortant Joseph Kabila, empêché dans un premier temps de voter par la police, a finalement réussi à le faire dans un autre bureau de la capitale.

Accompagné de plusieurs milliers de partisans avant d'être bloqué par un barrage policier sur la route entre l'aéroport et la capitale, il s'est ensuite rabattu sur un autre bureau, ouvert dans l'institut Lubumba, entouré de policiers, où il a pu voter avant la fermeture officielle des bureaux de vote à 11h00 (heure de Montréal).

Les États-Unis ont déploré «dans les termes les plus forts la violence liée à l'élection», a déclaré Mark Toner, un porte-parole du département d'État.

M. Toner a ajouté qu'il espérait que «les informations faisant état d'anomalies» lors du scrutin vont s'avérer «isolées».

De nombreux électeurs qui s'étaient enrôlés n'ont pas trouvé leur bureau de vote et d'autres n'ont pas pu voter à temps. «Je n'ai pas trouvé mon nom sur la liste. J'étais là hier, et il y était. Je suis déçue, tellement déçue!», a lancé Nadine, 19 ans, venue au bureau du collège kinois Saint-Pierre.

La Commission électorale a autorisé le vote au-delà de l'heure de fermeture officielle là où des problèmes logistiques sont apparus.

Après les violences politiques en fin de campagne, l'élection du nouveau président et des 500 députés était annoncée comme étant à risque.

Dans le reste du pays, hormis des retards dus essentiellement à l'absence de matériel électoral qui devait être distribué par la Céni, les 64 000 bureaux bureaux de vote ont ouvert à peu près à l'heure dans ce pays grand comme quatre fois la France.

Des électeurs de Mbuji Mayi, la capitale du Kasaï oriental, se sont aussi plaints de l'absence de matériel électoral. Des cas similaires ont été relevés dans d'autres villes.

«Il y a des rumeurs de bulletins qui circulent çà et là. Il faut vérifier ces informations», a déclaré à l'AFP le rapporteur de la Céni, Matthieu Mpitta.

À Kinshasa, des électeurs ont dû attendre sous la pluie au centre 10 189 à l'école Saint-Georges dans le quartier Kintanbo: craignant des fraudes, les nombreux «témoins» des partis politiques voulaient occuper les deux seuls sièges réservés pour eux dans le bureau.

Le dépouillement a débuté en fin de journée, souvent à la lumière de lampe à piles, en l'absence de courant électrique, comme c'est le cas dans de nombreux quartiers de Kinshasa.

Onze candidats, dont le président sortant Joseph Kabila, briguent la présidence, et près de 19 000 les 500 sièges de l'Assemblée nationale.

Après l'assassinat de son père Laurent Désiré en 2001, Joseph Kabila avait été installé dans le fauteuil présidentiel, et finalement élu en 2006.

Face au grand favori, l'opposition s'est présentée en ordre dispersé.

Etienne Tshisekedi n'a pas réussi à rassembler les autres candidats sur son nom face au président sortant qui a disposé de gros moyens et des médias d'État durant tout le mois de la campagne électorale.

Ni le mobutiste Léon Kengo, 76 ans, président du Sénat, ni Vital Kamerhe, 51 ans, ex-président de l'Assemblée nationale et ancien proche de Kabila devenu opposant déclaré en 2010, n'ont souhaité se ranger sous la bannière de Tshisekedi.

Dimanche soir, Joseph Kabila a rappelé l'enjeu du scrutin: «Notre pays vient de loin, d'une situation de guerre et de conflits en tous genres (...) Cette élection est un scrutin «pour la stabilité et l'avenir», pour ne pas «revenir à la case départ».

Les résultats provisoires de la présidentielle doivent être annoncés le 6 décembre par la Céni, les définitifs le 17 décembre par la Cour suprême de justice, trois jours la prestation de serment du président élu. Les résultats provisoires des législatives sont attendus à la mi-janvier.