Les drapeaux sud-africains flottent haut au-dessus de Qunu, le modeste village où Nelson Mandela a passé une partie de son enfance. Le vieil homme y est revenu pour son 93e anniversaire en juillet, et semble disposé à y rester, «pour de bon», dit-on.

«Je pense qu'il est rentré pour de bon parce que ça fait quatre mois qu'il est là, et ça fait longtemps qu'il demandait à être ramené ici», estime Zimsile Gamakulu, 45 ans, qui appartient au même clan «Madiba» que son célébrissime voisin.

Le prix Nobel de la paix, héros de la lutte anti-apartheid, avait effrayé le pays en janvier, quand il avait été hospitalisé pour une infection respiratoire aiguë.

«La tradition est que vous n'abandonnez pas votre propre peuple, vous revenez toujours vers votre propre peuple parce que, comme nous le disons, vous retournez à vos racines», ajoute Gamakulu.

«C'est ce que nous attendions. Il serait étrange qu'il reste à Johannesburg», dit celui qui promène des touristes sur les traces de l'enfance du grand homme pour le compte du Musée Nelson Mandela voisin.

Rolihlahla Mandela -rebaptisé Nelson par son institutrice est né à Mvezo, un village des environs, mais sa famille a vite déménagé à Qunu, à 800 kilomètres au sud de Joburg.

Il dit y avoir passé les plus belles années de sa vie au contact de la nature et des grands espaces, une enfance faite de glissades, de combats singuliers avec des bâtons de bois ou de festins de lait bu au pis de la vache.

Situé dans les vertes collines de l'ancien Transkei, une pauvre contrée de la province du Cap oriental (sud-est) où le chômage est omniprésent, le village, traversé par une importante route nationale, a désormais l'eau courante, l'électricité et des maisons de briques.

Mais le quotidien reste difficile avec de maigres jardins pour se nourrir, quelques magasins vendant des denrées de base, et des chemins de terre qui deviennent boueux à la première averse.

Qunu semble bien éloigné de la très chic banlieue de Johannesburg où réside officiellement celui qui fut le premier président noir du pays.

«Heureux qu'il soit à la maison»

Dans le village, on soutient que «Tata Madiba» (père en xhosa) ou «Tatamkhulu» (grand-père) n'a aucune intention de quitter sa retraite rurale.

«La rumeur dit que si quelqu'un lui parle de Joburg, il dit «non»», dit Ntombi Ntondini, 29 ans, qui travaille au centre communautaire local, parlant de Johannesburg. «Il ne veut pas y retourner. Il a dit qu'il voulait mourir ici».

«Madiba» ne quitte plus guère sa propriété fortifiée, qui comporte deux maisons, dont l'une a été construite sur le modèle du pavillon où il habitait dans sa dernière prison.

«Il est vieux, très vieux, maintenant. Il n'a plus assez d'énergie pour se promener», regrette Ntombi Ntondini.

De santé fragile, l'ancien président reçoit des visiteurs, mais reste délibérément hors de vue.

«Il n'est pas facile d'aller chez Madiba pour lui rendre visite, mais nous sommes heureux parce qu'il est ici. Même s'il est malade, nous sommes heureux qu'il soit à la maison!», note Ntobeko Yozwa, 62 ans, qui aimerait que Mandela participe aux fêtes du village.

La dernière sortie publique du héros de la lutte anti-apartheid remonte à juillet 2010, lors de la Coupe du monde de football. Et sa dernière apparition dans les médias sud-africains date du 7 octobre, quand il s'est fait recenser.

Le village ne fait pas commerce du souvenir de Mandela, comme c'est par exemple le cas autour de l'ancienne maison du grand homme à Soweto, près de Johannesburg. Mais sa mémoire est célébrée au musée portant son nom, installé sur les collines dominant le village.

«Il est absolument spécial, il est absolument inspirant», s'enthousiasme le directeur du musée Khwezi Mpumlwana, heureux de travailler à 800 m de la maison de Nelson Mandela.

«Toutes les indications montrent qu'il est de retour chez lui. Il a toujours parlé de Qunu comme de chez lui», ajoute-t-il. «Il est là pour longtemps!»