Les Marocains votaient vendredi, sans empressement apparent, à des législatives qui pourraient confirmer la poussée des islamistes modérés, après une réforme de la constitution voulue par le roi.

Le taux de participation atteignait 22,4% à 15h GMT (10h, heure de Montréal), juste après la prière du vendredi, selon le ministère marocain de l'Intérieur. En 2007, il était de 15,4% à la même heure.

S'inscrivant dans le mouvement du printemps arabe, cette consultation intervient juste après celle de Tunisie, et avant l'Égypte, deux pays où l'islam politique a le vent en poupe à l'instar de la Turquie.

Le Parti Justice et Développement (PJD, islamistes modérés) d'Abdellah Benkirane, qui a toujours été dans l'opposition (47 députés sur 395), table sur un succès semblable au parti islamiste Ennahdha, en Tunisie, fin octobre.

Ses deux principaux adversaires sont deux partis aguerris, membres de la coalition gouvernementale.

L'Istiqlal (Indépendance) du premier ministre Abbas El Fassi est le mieux implanté sur le territoire national. Parti le plus ancien du pays qui avait combattu pour l'indépendance de la France, il pourrait faire les frais de l'usure du pouvoir.

Bien plus jeune et composé notamment de technocrates, le Rassemblement national des indépendants (RNI, libéral et 38 députés) de Salaheddine Mezouar, ministre de l'Économie, que certains voient diriger le prochain gouvernement, issu des urnes.

Plusieurs responsables des bureaux de vote ont indiqué à l'AFP que le nombre de votants pourrait s'accélérer dans l'après-midi.

«Organiser le scrutin un vendredi n'est pas idéal, car c'est le jour où les femmes préparent le couscous traditionnel», a déclaré à l'AFP Abou Fadel, en plaisantant à moitié avant de voter dans un bureau d'un quartier populaire de Casablanca.

«Même si j'étais tenté de voter pour Salaheddine Mezouar, j'ai décidé de donner ses chances au PJD», indiquait Youssef, un jeune informaticien de 35 ans.

«Pas plus que dans le passé, je ne compte pas voter. Pour moi, il y a Dieu, la patrie et le roi. Et c'est tout», a dit pour sa part Mohamed, 45 ans, un gardien de voitures, et un des très nombreux abstentionnistes de ce pays de quelque 35 millions d'habitants, avec 13,5 millions d'inscrits. 37% seulement des inscrits avaient voté en 2007.

Via des spots publicitaires, la télévision marocaine continuait pendant la journée de vendredi d'appeler les Marocains à se rendre aux urnes «pour accomplir un devoir national».

Mais le pays connaît un taux de chômage très élevé surtout chez les jeunes, et la grogne sociale y est très importante. Les contestataires du Mouvement du 20 Février ont appelé au boycottage.

Quelque 31 partis politiques sont en lice pour cette élection qui intervient cinq mois après une réforme, initiée par le roi Mohamed VI et approuvée par référendum en juillet.

La nouvelle constitution prévoit un renforcement des pouvoirs du parlement et du premier ministre. En outre, ce dernier sera désormais obligatoirement choisi par le roi au sein du parti arrivé en tête du scrutin.

«Le PJD peut prétendre à la première place. Mais même s'il dirige le gouvernement, l'exécutif se fera autour d'une coalition», explique le juriste Omar Bendourou.

«Le scrutin n'a jamais été aussi ouvert (...) et le parti le plus puissant ne dépassera sans doute pas les 16 à 18%» des votes», a souligné pour sa part à l'AFP Khalid Naciri, ministre de la Communication.

Illettrisme oblige, une grande partie des Marocains ne votent pas pour un nom de parti, mais pour la «balance» (Istiqlal), la «colombe» (RNI), la «lampe» (PJD), autant de symboles qui aident à comprendre qui est qui. Les socialistes de l'USFP ont adopté la rose.