Une jeune militante égyptienne qui a publié des photos d'elle nue sur son blogue a provoqué un tollé en Égypte, suscitant autant les critiques des conservateurs que celles des progressistes.

Certains Égyptiens progressistes craignent en effet que le geste d'Aliaa Magda Elmahdy, une étudiante universitaire âgée de 20 ans, ne nuise à leur réputation à l'approche des élections législatives du 28 novembre, lors desquelles ils affronteront des partis islamistes fondamentalistes.

La nudité est très mal vue dans la société égyptienne, même dans les arts. Le geste de l'étudiante est sans précédent dans un pays où la plupart des femmes portent le foulard islamique. Même les femmes qui ne le portent pas exposent rarement leurs bras ou leurs jambes en public.

Aliaa Magda Elmahdy a écrit sur son blogue que les photos d'elle nue représentaient «un cri contre une société de violence, de racisme, de sexisme, de harcèlement sexuel et d'hypocrisie». Son blogue a reçu plus de 1,5 million de visites depuis qu'elle a publié les photos, plus tôt cette semaine.

Cette publication survient à une période où l'Égypte, un pays de quelque 85 millions d'habitants, est de plus en plus polarisé entre les islamistes et les progressistes à l'approche des élections, les premières depuis le renversement de l'ancien président Hosni Moubarak.

Des militants salafistes ont affirmé durant leur campagne qu'ils ne laisseraient pas les progressistes corrompre les moeurs des Égyptiens.

«Cela nuit à tout le courant laïque face à ceux qui se réclament de la vertu», a estimé Sayyed El-Qimni, une personnalité laïque bien en vue.

«C'est un double désastre. Parce que je suis un progressiste et que je crois au droit à la liberté personnelle, je ne peux pas intervenir», a dit M. El-Qimni mercredi soir lors d'une entrevue sur une chaîne de télévision égyptienne.

Le Mouvement de 6 avril, l'un des groupes militants qui ont mené les manifestations populaires contre le régime Moubarak, a diffusé un communiqué niant les allégations selon lesquelles la blogueuse serait membre du groupe.

La publication des photos d'Aliaa Magda Elmahdy nue a provoqué des discussions enflammées sur les réseaux sociaux, notamment sur Facebook, où des pages pour et contre son geste ont été créées.

Sur Twitter, le militant Ahmed Awadallah a salué son initiative. «Je suis totalement renversé par sa bravoure», a-t-il écrit.

Une personne qui s'est identifiée sous le nom d'Emad Nasr Zikri a écrit sur le blogue: «Nous devons apprendre à faire la différence entre la nudité et le sexe». Il a affirmé qu'avant que l'Égypte ne soit influencée par les fondamentalistes, «il y avait des modèles nus dans les écoles d'art afin que les étudiants puissent les dessiner».

Une centaine de personnes ont aimé son commentaire, tandis que des milliers d'autres ont inondé le blogue d'insultes. Certains ont qualifié la blogueuse de «prostituée» et de «malade mentale», tandis que d'autres ont exhorté la police à l'arrêter.

Aliaa Magda Elmahdy n'a pas répondu aux demandes d'entrevue de l'Associated Press.

La jeune femme et son copain Kareem Amer, lui aussi un blogueur controversé, ont déjà ébranlé les moeurs de la société égyptienne dans le passé. Plus tôt cette année, ils ont mis en ligne une vidéo tournée avec un téléphone cellulaire dans laquelle on pouvait les voir débattre avec les responsables d'un parc qui venaient de les expulser pour avoir manifesté des signes d'affection en public.

Kareem Amer, qui a passé quatre ans en prison pour un texte jugé insultant pour l'islam et pour avoir qualifié Hosni Moubarak de «symbole de la tyrannie», a réprimandé les progressistes qui ont condamné le geste de sa copine.

«Nous ne devrions pas tant avoir peur des gens au pouvoir et des islamistes que des politiciens qui se prétendent progressistes», a-t-il écrit sur sa page Facebook. «Ils sont prêts à nous sacrifier pour éviter de ternir leur image.»