Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a promis samedi à Abidjan une enquête «impartiale» sur les crimes commis durant la crise postélectorale ivoirienne, avant de rencontrer le président Alassane Ouattara et les partisans du chef d'État déchu Laurent Gbagbo.

La «justice impartiale» qu'exercera la CPI «aidera à la réconciliation», a déclaré Luis Moreno-Ocampo, arrivé vendredi soir pour une visite de 24 heures, six mois après une crise qui a fait quelque 3000 morts.

Ses enquêteurs, déjà déployés sur le territoire, s'attacheront à identifier «ceux qui ont les plus grandes responsabilités», «ceux qui ont ordonné les crimes», a-t-il expliqué devant la presse après une séance de travail avec le ministre de la Justice Jeannot Ahoussou Kouadio.

Les autres, responsables ou exécutants, «seront entre les mains des juges nationaux», a-t-il précisé, se félicitant d'une collaboration inédite.

Selon le procureur de La Haye, le CPI et la Commission dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), dont il a rencontré le président Charles Konan Banny, suivent des chemins «parallèles» pour aider le pays à tourner la page.

M. Moreno-Ocampo doit s'entretenir dans l'après-midi avec des partisans de Laurent Gbagbo, détenu dans le Nord depuis avril, puis avec le président Ouattara, avant de quitter le pays.

Née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir après sa défaite à la présidentielle du 28 novembre 2010, la crise, conclue en avril par deux semaines de guerre, a fait quelque 3000 morts, épilogue d'une décennie de soubresauts dans cette ex-colonie française naguère stable et prospère.

Les juges de la CPI ont autorisé le 3 octobre Luis Moreno-Ocampo à enquêter sur des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis durant les troubles récents.

La justice ivoirienne a placé en détention préventive et inculpé - pour atteinte à la sûreté de l'État, crimes économiques ou crimes de sang - l'ex-président, son épouse Simone et une centaine de personnalités de leur bord, civiles ou militaires.

Aucune figure du camp Ouattara n'a encore été poursuivie, alimentant le soupçon d'une «justice des vainqueurs».

Or, pour les juges de la CPI, il y a «une base raisonnable» pour croire que les forces pro-Gbagbo et pro-Ouattara ont commis des «attaques contre la population civile», en particulier dans la capitale économique Abidjan et dans l'ouest, où selon l'ONU un millier de personnes ont péri.

Le nouveau régime, qui dès le mois de mai a demandé à la CPI d'enquêter, a promis de jouer le jeu, même si des ex-rebelles ayant combattu pour M. Ouattara dans les rangs des Forces républicaines (FRCI) pourraient être inquiétés.

Guillaume Soro, premier ministre et chef de l'ancienne rébellion, a affirmé le 7 octobre que la Côte d'Ivoire était prête à livrer à la CPI des militaires en cas de «crimes de sang».

Dans un rapport publié début octobre et intitulé «Ils les ont tués comme si de rien n'était», l'ONG Human Rights Watch (HRW) a visé 12 personnalités des deux camps «impliquées» selon elle dans «de graves exactions».

Côté régime déchu, elle cite huit personnes, dont Laurent Gbagbo lui-même et Charles Blé Goudé, chef en exil des «jeunes patriotes» considérés par leurs adversaires comme une milice.

Dans le camp Ouattara, HRW vise entre autres Chérif Ousmane, pilier de la rébellion de 2002, homme de confiance d'Alassane Ouattara devenu numéro 2 de la garde présidentielle.

À Abidjan, une certaine tension persiste à moins de deux mois des législatives du 11 décembre.

Sous la pression du gouvernement qui redoutait des débordements, le parti de Laurent Gbagbo, le Front populaire ivoirien (FPI), a renoncé samedi à une réunion prévue dans la journée. Un rassemblement avait été émaillé de violences la semaine dernière.