Le prix Nobel de la paix attribué vendredi à la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf a bouleversé la donne avant les élections présidentielle, législatives et sénatoriales prévues mardi au Liberia, où la paix reste fragile huit ans après la fin de la guerre civile.

Mme Sirleaf, 72 ans, qui brigue un second mandat de cinq ans, a reçu un sérieux coup de pouce en devenant, conjointement avec sa compatriote pacifiste Leymah Gbowee et la journaliste yéménite Tawakkol Karman, Nobel de la paix.

Elle a elle-même reconnu que ce prix était «très significatif» en «cette période politique».

Salué par plusieurs personnalités et organisations à travers le monde, ce prix a été sévèrement critiqué au Liberia par le principal opposant Winston Tubman, candidat contre Mme Sirleaf à la présidentielle. Il a estimé qu'il était «inacceptable et non mérité».

Selon lui, «Mme Sirleaf ne mérite pas un prix Nobel de la paix, parce qu'elle a commis de la violence dans ce pays» qui reste traumatisé par deux guerres civiles ayant fait, de 1989 à 2003, quelque 250 000 morts, des centaines de milliers de mutilés, ayant détruit ses infrastructures et son économie.

La campagne électorale, qui s'achèvera dimanche, a jusqu'à maintenant été calme, en dépit de quelques cas de violences et d'intimidation, fermement condamnés par Ellen Johnson Sirleaf, au pouvoir depuis 2006 et qui sollicite un nouveau mandat de cinq ans.

Mme Johnson Sirleaf, 72 ans, surnommée «la Dame de fer», est entrée dans l'Histoire en devenant la première présidente élue d'Afrique.

Avec le soutien de la communauté internationale qui l'admire, cette économiste a obtenu l'effacement de la dette libérienne, a su attirer les investisseurs et reconstruire les principales infrastructures de la capitale, Monrovia.

Mais le chômage qui touche 80% de la population reste préoccupant et la majorité des 4 millions de Libériens vit dans l'extrême pauvreté. La corruption demeure un fléau, bien que Mme Sirleaf ait fait de son éradication une priorité.

Ses adversaires l'accusent en outre de ne pas avoir suffisamment oeuvré pour la réconciliation nationale dans un pays où les rivalités ethniques sont fortes, en soulignant que peu de criminels de guerre ont été poursuivis, hormis l'ancien président Charles Taylor, jugé à La Haye pour des crimes commis en Sierra Leone.

Elle a elle-même été citée en 2009 dans un rapport de la Commission-vérité et réconciliation mise en place après les guerres civiles, pour son soutien à Taylor au début de son ascension.

Les scrutins se déroulent dans un contexte marqué par des craintes de violences, en raison de la circulation d'armes et mercenaires ayant récemment combattu en Côte d'Ivoire voisine.

«Nous ne savons pas quelles sont leurs intentions, peut-être veulent-ils rendre leurs armes, peut-être veulent ils créer des troubles en relation avec les élections», a déclaré à l'AFP Ellen Margrethe Loj, représentante de l'ONU au Liberia.

Ces hommes en armes, dont plusieurs ont récemment été arrêtés, sont pour la plupart dans la forêt tropicale difficilement contrôlable située à la frontière entre le Liberia et la Côte d'Ivoire.

«C'est un endroit très volatile qui doit être étroitement surveillé», selon Mme Loj, qui a ajouté que la MINUL et la mission de l'ONU en Côte d'Ivoire (ONUCI) avaient renforcé leur surveillance le long de la frontière.

Face à Mme Sirleaf, 15 autres candidats sont en lice pour la présidentielle, dont Winston Tubman, 70 ans, neveu d'un ancien président et qui peut compter sur le soutien de George Weah, ancienne star du football international.

L'ex-chef de guerre Prince Johnson, tristement célèbre pour avoir assisté en buvant une bière aux tortures ayant conduit à la mort du président Samuel Doe en 1990, est aussi candidat.

Près de 1,8 million d'électeurs sont inscrits pour les élections, qui ont lieu en pleine saison des pluies, ce qui ne facilitera pas la collecte des résultats dans un pays où les routes goudronnées n'existent pas hors de Monrovia.