Le prix Nobel de la paix Desmond Tutu a célébré vendredi son 80e anniversaire par une messe dans la cathédrale du Cap, en l'absence remarquée du chef de l'État Jacob Zuma, à qui l'ancien archevêque a reproché de ne pas avoir accordé à temps le visa demandé par le dalaï-lama.

Le vice-président Kgalema Motlanthe représentait les plus hautes autorités de l'État dans la cathédrale St. George, où Tutu a officié comme archevêque anglican à partir de 1996. À ses côtés, plusieurs célébrités, comme le chanteur Bono ou l'épouse de Nelson Mandela, Graca Machel.

Jacob Zuma, lui, n'avait pas fait le déplacement.

Mais la présidence a néanmoins publié un chaleureux communiqué souhaitant un bon anniversaire à l'octogénaire. «L'archevêque Tutu occupe une place particulière dans le coeur de nos concitoyens pour la façon dont il s'est dressé contre le régime de l'apartheid, s'élevant contre l'injustice et l'oppression», note le président. «Il continue à jouer un rôle important dans notre pays, et est admiré par des milliers de gens (...) Nous le respectons, nous l'aimons et nous accueillons toujours volontiers son avis sur les grands sujets».

Jacob Zuma a été violemment attaqué par Desmond Tutu ces dernières années, pour des soupçons de corruption qui n'ont jamais donné lieu à un procès.

Le président a de nouveau essuyé les reproches de l'ecclésiastique cette semaine, à l'occasion de la polémique sur l'invitation du dalaï-lama aux cérémonies d'anniversaire.

Invité par M. Tutu, le dalaï-lama n'a pas pu se rendre en Afrique du Sud faute d'avoir reçu son visa à temps. L'archevêque a accusé le pouvoir d'avoir cédé aux pressions de la Chine et déclaré que l'actuel gouvernement était «pire que du temps de l'apartheid».

Il avait ensuite menacé M. Zuma: «Je vous préviens que nous allons prier comme nous avions prié pour la chute de l'apartheid. Nous allons prier pour la chute d'un gouvernement qui nous représente si mal», a lancé M. Tutu dans une conférence retransmise à la télévision nationale.

Le dalaï-lama, ami de longue date de Desmond Tutu et également prix Nobel de la paix (1989) doit finalement s'adresser par vidéo aux invités de l'archevêque samedi.

Une chaise vide symbolisera l'absence du dalaï-lama. L'événement sera télévisé en direct par la chaîne publique sud-africaine depuis l'Université du Cap occidental, et sur l'internet.

Vendredi matin, cette polémique qui a dominé l'actualité sud-africaine toute la semaine semblait mise à l'écart, et l'humour et la convivialité ont dominé la cérémonie à la cathédrale.

L'archevêque de Canterbury Rowan Williams, chef religieux de l'Église anglicane, a fait lire un message: «À chaque année qui passe, vous avez l'air plus jeune. Mais cet anniversaire particulier nous rappelle à tous combien nous devons à vos décennies d'amour et de service pour le règne de Dieu et pour la famille du peuple de Dieu».

La cérémonie religieuse était retransmise en direct à la télévision. L'archevêque, couvert d'éloges par les intervenants, a un moment caché son visage derrière un mouchoir, tandis que son épouse Leah l'embrassait.

«Enraciné dans cette croyance, enraciné dans cette foi, il est allé dans des endroits où bien des gens ont peur de s'aventurer», a notamment dit l'actuel archevêque du Cap, Thabo Makgoba. «Il a réellement mis l'accent sur la dignité de la différence».

À côté de la solennité d'une cérémonie anglicane, Tutu a également laissé toute sa place à son humour familier et déconcertant lors de sa propre allocution, pour remercier ses amis et proches.