Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a été autorisé lundi à enquêter sur des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre qui auraient été commis par les auteurs des violences ayant suivi l'élection présidentielle de novembre 2010 en Côte d'Ivoire.

«La chambre préliminaire III de la Cour pénale internationale a fait droit à la requête du procureur aux fins de l'ouverture d'une enquête sur les crimes présumés relevant de la compétence de la Cour qui auraient été commis en Côte d'Ivoire depuis le 28 novembre 2010», a indiqué la CPI dans un communiqué.

Le procureur Luis Moreno-Ocampo avait demandé le 23 juin aux juges de l'autoriser à enquêter sur des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre, commis à la suite de la présidentielle du 28 novembre 2010, par les camps de l'ex-président Laurent Gbagbo et du président Alassane Ouattara.

Plus de 3000 personnes avaient été tuées pendant les violences qui avaient suivi le refus de M. Gbagbo de céder le pouvoir après le scrutin, selon les Nations unies.

«À partir d'aujourd'hui, l'accusation va collecter des preuves de manière impartiale et indépendante, et dès que possible, nous présenterons nos dossiers devant les juges, qui décideront qui doit être jugé», a déclaré M. Moreno-Ocampo dans un communiqué.

L'ouverture de l'enquête a été saluée par Abidjan. «Nous n'avons aucune gêne, aucune crainte», a assuré à l'AFP le ministre ivoirien de la Justice, Jeannot Ahoussou Kouadio.

M. Ouattara avait demandé le 3 mai à la CPI d'enquêter sur les «crimes les plus graves» commis au moment des violences, la justice ivoirienne se chargeant des crimes économiques, des crimes de sang et des crimes contre la sécurité de l'État.

Le porte-parole de M. Gbagbo, Justin Koné Katinan, a exprimé sa «suspicion» sur la décision de la CPI, la jugeant sous influence du président Ouattara et de la France.

Dans leur ordonnance de 86 pages, les juges estiment qu'«il y a une base raisonnable de croire qu'à la suite de l'élection présidentielle en Côte d'Ivoire, des attaques ont été commises par les forces pro-Gbagbo contre la population civile à Abdijan et dans l'ouest du pays».

Meurtres, viols, pillages

Ils estiment qu'il y a aussi «une base raisonnable de croire que les forces pro-Ouattara ont mené des attaques contre la population civile, notamment dans l'ouest du pays en mars 2011», pendant l'offensive des Forces républicaines (FRCI) d'Alassane Ouattara menée à partir de la région de Duékoué.

Au moins 1000 personnes, selon l'Onuci, avaient été tuées dans l'ouest du pays.

«Les documents (de l'accusation) montrent que les forces pro-Ouattara ont pris pour cibles des civils perçus comme soutenant Laurent Gbagbo et que les attaques étaient dirigées contre des communautés ethniques spécifiques», soulignent les juges.

M. Moreno-Ocampo a été autorisé à enquêter sur des crimes contre l'humanité, à savoir meurtre, viol, emprisonnement et torture, notamment, ainsi que sur des crimes de guerre, dans le cadre du conflit armé qui avait opposé les deux camps entre le 25 février et le 6 mai.

Des enquêteurs vont aller en Côte d'Ivoire «de façon imminente», a indiqué à l'AFP un membre du bureau du procureur.

À l'issue de l'enquête, lorqu'il estimera avoir recueilli les preuves nécessaires, le procureur demandera des mandats d'arrêt aux juges. Aucune date n'était avancée lundi par le bureau de M. Moreno-Ocampo.

«Les enquêtes sont toutes différentes mais nous sommes de plus en plus rapides», a-t-on souligné au bureau du procureur, rappelant qu'il avait fallu deux ans pour obtenir un mandat d'arrêt contre le chef de milice congolais Thomas Lubanga, le premier accusé jugé par la CPI, et trois mois pour le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi.