Au moins 36 personnes ont été tuées dans la nuit de dimanche à lundi dans l'attaque d'un bar de Gatumba, près de Bujumbura, marquant une nouvelle escalade dans les violences de ces derniers mois qui font ressurgir le spectre d'une guerre civile au Burundi.

Lundi, un journaliste de l'AFP a décompté 23 corps dans le bar très fréquenté, Chez les amis, où s'est produit le drame. Selon Jacques Minani, gouverneur de la province de Bujumbura rural où se trouve Gatumba, 13 autres corps se trouvaient dans les hôpitaux de la capitale Bujumbura.

Un précédent bilan faisait état d'au moins 24 morts.

Le président burundais, Pierre Nkurunziza, qui s'est rendu sur les lieux à la mi-journée, a déclaré trois jours de deuil national et promis que les responsables du «massacre» seraient «arrêtés et traduits en justice».

«Ceux qui ont commis cet acte sont des tueurs, des génocidaires qui ont commis un crime inqualifiable,» a-t-il ajouté devant une foule de 4 à 5000 personnes.

Des attaques attribuées par les autorités à «des bandits armés» et par la population à une nouvelle rébellion se sont intensifiées à travers tout le Burundi, petit état d'Afrique de l'Est, depuis plusieurs mois.

La province de Bujumbura local abrite le principal fief des Forces nationales de libération (FNL), un ancien mouvement de guérilla dont le leader Agathon Rwasa est rentré en clandestinité depuis l'été 2010, et qui est accusé d'être derrière ce regain de violence.

Lundi, des témoignages recueillis par l'AFP auprès de la population et de responsables locaux évoquaient un possible acte de vengeance après une série d'exécutions de membres du FNL.

Le bar appartiendrait à un membre du parti présidentiel et recevait dimanche soir une équipe de football dont les membres seraient affiliés à la Ligue des jeunes du parti au pouvoir.

«Ceux qui nous ont attaqués ne sont pas de simples bandits, ce sont des combattants, des rebelles, (...), je peux le jurer sur ma tête, car je les ai vus», avait plus tôt lancé un blessé, sous couvert d'anonymat.

Gatumba, théâtre d'un massacre en 2004

Selon des témoins, l'attaque, survenue vers 20h (14h heure locale), a duré environ 20 minutes.

«Des dizaines de personnes, en uniformes et portant des kalachnikovs et des grenades sont entrées dans le bar Chez les amis, ils nous ont dit de nous coucher par terre et se sont mis à tirer», a raconté à l'AFP un autre rescapé, Parfait, qui a perdu deux soeurs et un ami au cours de l'attaque.

Au lendemain du drame, la cour du bar était toujours parsemée de douilles et de flaques de pluies gorgées de sang, de bouteilles et chaises cassées.

Les écoles, administrations, boutiques de la ville étaient fermées.

Gatumba, à 13 km de Bujumbura, avait déjà été le théâtre en 2004 d'un massacre de quelque 160 réfugiés congolais tutsis. L'acte avait alors été revendiqué par le FNL.

Depuis plusieurs mois, la résurgence de la violence --affrontements entre police et bandes armées, exécutions sommaires ...-- fait craindre une reprise d'hostilités à plus grande échelle au Burundi. Entre 1993 et 2006, une longue guerre civile y a fait près de 300 000 morts.

Les violences ont repris au Burundi depuis le long processus électoral de l'été 2010, boycotté par l'opposition qui l'avait jugé biaisé, et qui a vu une très large victoire du parti au pouvoir tant à la présidentielle qu'aux législatives et aux élections locales.

Présent lundi matin à Gatumba comme la plupart du corps diplomatique accrédité à Bujumbura, l'ambassadeur de France, Jean Lamy, a dénoncé un «acte terroriste inqualifiable», et rappelé que la communauté internationale «condamnait avec la plus grande force ces actes de violence».