Les habitants de l'archipel de Zanzibar (Tanzanie) ont entamé dimanche le deuil de près de 200 des leurs tués dans le naufrage d'un traversier la veille, mais la colère le disputait à la douleur.

La pire des catastrophes maritimes de ces dernières années en Afrique aurait en effet pu être évitée si le bateau n'avait pas navigué en état patent de surcharge, de l'aveu même des autorités.

«La plupart des bateaux privés (assurant la liaison entre les trois îles de l'archipel de l'océan Indien) sont vieux et souvent surchargés, et les autorités laissent faire. Si rien ne change, ce ne sera pas le dernier accident du genre», a prévenu Abdurahman Alawi, dont sept membres de la famille se trouvaient à bord du traversier Spicy Islander.

«De tous les sept, seule une jeune fille, ma nièce, a survécu. Elle est maintenant à l'hôpital. Nous avons pu identifier un autre membre de famille que nous avons enterré pendant la nuit (de samedi à dimanche). Pour les autres, on n'a pas encore retrouvé leurs corps», a-t-il indiqué à l'AFP.

Les habitants de Zanzibar commençaient dimanche matin à se rassembler dans le stade Maisara, à Stone Town, capitale de Zanzibar, pour une cérémonie marquant l'ouverture d'un deuil national de trois jours décrété par le président tanzanien Jakaya Kikwete, qui a annulé un voyage de trois jours au Canada.

Zanzibar dispose d'un statut de semi-autonomie au sein de la république de Tanzanie.

Ce même stade Maisara avait accueilli samedi les dizaines de corps des victimes du naufrage, drapés dans des couvertures noires, leurs vêtements déposés à leurs côtés afin d'être identifiés par leurs proches.

«Les corps qui ont pu être identifiés hier (samedi) ont été enterrés dont certains pendant la nuit. Ceux qui n'ont pas été identifiés ont été enterrés dignement par le gouvernement», a indiqué à l'AFP le porte-parole de la police de Zanzibar, Mohamed Mhina.

La rapidité de ces inhumations tient à la fois aux préceptes de l'islam, la religion de l'écrasante majorité de la population de Zanzibar, et au fait que la morgue du principal hôpital de Stone Town ne dispose pas d'assez de places face à une catastrophe de cette ampleur, selon le porte-parole.

«Il n'y a plus d'espoir»

Au moins 193 personnes ont été tuées dans le naufrage, dans la nuit de vendredi à samedi, du traversier venu de Dar es Salaam, la principale ville de Tanzanie, et qui assurait alors la liaison entre les deux principales îles de Zanzibar, Unguja et Pemba.

612 des passagers, sur un total de plus de 800, ont eu la vie sauve.

«Nous continuons les recherches de corps, mais il n'y a plus d'espoir de retrouver des personnes en vie. Nous recherchons les corps pour qu'ils puissent être enterrés», a indiqué dimanche M. Mhina.

Aucun étranger n'a été identifié par les journalistes de l'AFP parmi les rescapés ou les victimes, alors que Zanzibar, avec ses plages de sable blanc, tire l'essentiel de ses revenus du tourisme.

La plupart des touristes étrangers empruntent les tarversiers rapides plutôt que les bâtiments comme le Spicy Islander, dix fois plus lents.

Le traversier était occupé en grande majorité par des habitants de l'archipel de Zanzibar, dont de nombreux habitants de l'île de Pemba qui revenaient chez eux à l'issue des vacances et à la fin du ramadan.

Le secrétaire d'État adjoint à l'Infrastructure et à la Communication de Zanzibar, Issa Gavu, avait dès samedi matin reconnu que le bâtiment était très certainement «surchargé».

«Nous protestions déjà contre le capitaine et d'autres personnes dans le port avant de partir, en leur disant que le bateau était trop plein,» a témoigné un survivant de 50 ans, Zaid Amour. «Ce n'est pas un accident, c'est de la faute de ceux qui n'ont pas empêché le bateau de partir,» a-t-il dénoncé.