Adieu Léa, Simba et Loulou. Un an après la mort des cinq dromadaires libyens offerts par Kadhafi, le zoo d'Abidjan a subi un nouveau coup dur: les trois lions ont été des victimes collatérales de la crise post-électorale en Côte d'Ivoire.

Ces lions venus d'Éthiopie «sont morts de faim», déclare à l'AFP Claude-Sié Kam, un agent du zoo, le seul du pays depuis sa création en 1930 et l'un des plus importants d'Afrique de l'Ouest.

Manquant de nourriture durant la bataille d'Abidjan qui avait paralysé la ville début avril, sommet de la crise entre l'ex-président Laurent Gbagbo et le chef de l'État Alassane Ouattara, ils n'ont pas survécu.

«Leur mort me peine, on était familiers», confie M. Kam, en charge de ces carnivores durant 14 ans, en montrant du doigt leur cage vide.

Le mélancolique zoo de quatre hectares aux installations vétustes est situé à ce qui fut pendant les combats l'un des points les plus chauds de la capitale économique: au carrefour des quartiers d'Abobo et de Cocody (nord), il borde la route qui mène au stratégique camp de gendarmerie d'Agban, le plus grand du pays.

Si une quarantaine de bêtes au total ont péri, ne laissant plus que 112 pensionnaires de 25 espèces (singes, caïmans, serpents, etc.), la disparition du trio de lions, enterrés à l'ombre d'arbres centenaires, crée un grand vide.

Stanislas Kanon, collégien de 11 ans, est dépité. «Je suis venu voir le roi des animaux et admirer de près sa crinière racontée dans les livres», explique-t-il, sanglé dans son ensemble kaki d'écolier. «Dommage! On m'a signifié que les lions sont morts», dit-il en repartant.

Ils étaient la principale attraction du parc, avec les cinq dromadaires offerts en 2008 par le «Guide» libyen Mouammar Kadhafi. Eux sont morts courant 2010 «d'un manque de soins et consommaient une alimentation non adaptée», explique un agent.

Après ces pertes, le zoo broie du noir. La fréquentation, qui jusque là se situait autour de 100 000 visiteurs par an, dont une moitié d'enfants, devrait chuter de 80% en 2011, selon ses responsables.

«L'État ivoirien ne s'occupe pas du seul zoo d'Abidjan», se lamente Bruno Séka, son responsable administratif et financier, en lançant un «cri du coeur».

«Il ne reste plus au zoo qu'un seul éléphant», emblème du pays, alerte-t-il, soulignant que sur un budget annuel de 77 millions FCFA (environ 161 770 dollars canadiens), seul 1,2 million (1800 euros) sert au renouvellement des pensionnaires.

Mais, après une crise qui a fait au moins 3000 morts et des dizaines de milliers de déplacés, difficile pour les responsables du zoo de réclamer aux autorités de tutelle une rallonge budgétaire: on s'entend répondre qu'on «se bat pour des animaux alors que les hommes meurent de faim».

Cependant, pour Simone Ban, chercheuse et spécialiste des chimpanzés, le parc peut jouer un rôle «de détente et de réconciliation» dans un pays éprouvé.

«Un zoo bien entretenu pourrait accueillir les Ivoiriens de toutes les sensibilités politiques, pour qu'ils se côtoient et constatent que même les animaux s'aiment», ose-t-elle.

En attendant, celle qui brava le danger lors des combats pour apporter à manger aux chimpanzés, évitant la mort à la vingtaine de primates, demande une «rénovation urgente des cages du cheptel restant et la prise en charge médicale» des animaux.

«C'est à ce prix, avertit-elle, qu'on pourra sauver le zoo d'Abidjan de la fermeture».