Le président du Malawi Bingu wa Mutharika a affirmé qu'il ne quitterait pas le pouvoir et a fait déployer l'armée dans sa capitale Lilongwe jeudi, au lendemain d'émeutes antigouvernementales qui ont fait 18 morts, selon une source officielle.

«Je continuerai à gouverner le pays», a déclaré le chef de l'État dans une allocution à la radio. «Comme la constitution le prévoit, l'autorité pour diriger le gouvernement est entre mes mains et entre celles de personne d'autre».

Jeudi, de nouveaux rassemblements ont eu lieu à Lilongwe et Blantyre, la capitale économique du pays. Les magasins sont restés fermés, et la tension palpable toute la journée.

Dans la soirée à Washington, le département d'État américain a condamné les violences et lancé un appel au calme. Il a averti le président Bingu wa Mutharika que les actions du gouvernement minaient la démocratie.

Le Malawi, petit pays d'Afrique australe, souffre d'une pénurie de carburant depuis que le gouvernement, en juin, a pioché dans les réserves de change pour payer des importations.

L'opposition entendait protester mercredi contre l'autoritarisme et la mauvaise gouvernance économique du président Mutharika. Mais les manifestations ont dégénéré en scènes de pillages et en affrontement avec les forces de l'ordre.

«Le Malawi est bien gouverné», a clamé M. Mutharika dans son allocution à la radio: «Le manque de réserves de change ou la pénurie de carburant ne peut pas être considéré comme le signe d'une mauvaise gouvernance ou d'un échec de l'État».

L'homme fort du Malawi a par ailleurs ouvert une porte au dialogue. «Je suis prêt à rencontrer l'opposition et la société civile. Si vous avez des questions, parlons. Mais vous ne devriez pas laisser les gens piller et saccager les magasins. Ce sera néfaste pour notre développement», a lancé le président à l'adresse de l'opposition.

Jeudi, le ministère de la Santé a publié un bilan des émeutes. «Jusqu'ici, nous avons dénombré 18 tués, mais nous devons encore pratiquer des autopsies pour déterminer la cause des décès», a déclaré le porte-parole du ministère de la Santé, Henry Chimbali, contacté par l'AFP.

Neuf morts ont été recensés à Mzuzu, six dans la capitale Lilongwe, deux à Blantyre, la capitale économique du pays, et un autre à Karonga, à la frontière avec la Tanzanie.

«Les corps présentent des fractures osseuses, des plaies profondes, des côtes cassées, et ont perdu beaucoup de sang», a précisé M. Chimbali, qui a fait état également de vingt-deux blessés.

Le secrétaire général des Nations unies Ban Ki-moon a déploré cette flambée de violence. «Il est attristé par les pertes en vies humaines et réitère son appel pour que tous les antagonismes soient résolus par des moyens pacifiques», a déclaré son porte-parole Martin Nesirky.

Jusqu'à 40% des recettes budgétaires du Malawi, l'un des pays les plus pauvres du monde, proviennent de l'aide internationale, mais l'opposition accuse le président de faire fuir cette aide en raison de son «arrogance» et de sa mauvaise gestion.

Le dernier incident en date remonte à la semaine dernière, lorsque la Grande-Bretagne a annoncé le gel de son aide financière (19 millions de livres, soit 21,7 millions d'euros, en 2010). Londres a notamment accusé le gouvernement malawite de réprimer les manifestations, d'intimider les organisations de la société civile et de légiférer pour bâillonner l'opposition.

Le président Bingu wa Mutharika, 77 ans, dirige depuis 2004 son pays. Il a souvent été loué pour ses succès dans la lutte contre la pauvreté, et a été facilement réélu en 2009 pour un second mandat de cinq ans. Mais l'opposition lui reproche de devenir de plus en plus autoritaire et de «se transformer en dictateur».