Un jeune rhinocéros dont la mère a été abattue par des braconniers est récemment mort de stress et de faim au Swaziland. Pendant ce temps, un adolescent de 16 ans luttait contre la mort à l'hôpital, le poumon transpercé par une balle tirée par un ranger.

La mort de la femelle rhinocéros était le premier acte de braconnage de ce type au Swaziland depuis une vingtaine d'années.

Si les animaux sauvages y ont été protégés pendant si longtemps alors que leurs congénères étaient allègrement massacrés dans les pays voisins, c'est grâce à une loi spéciale entrée en vigueur en 1991 après une longue et sanglante guerre contre les braconniers.

Elle autorise une petite équipe de rangers à tirer sur les braconniers s'ils pensent que leur vie est menacée, et leur garantit l'immunité s'ils agissent dans l'exercice de leurs fonctions. Ils ont donc le droit de tuer.

C'est l'«une des plus strictes lois antibraconnage dans le monde», insiste Mike Richardson, le porte-parole de Big Game Parks, la société privée qui possède ou gère les principales réserves du Swaziland.

Mais les rangers ne tirent visiblement pas que sur les braconniers... et la population leur reproche des bavures.

L'adolescent blessé - qui ne peut pas être nommé car il est mineur - raconte qu'il marchait avec deux amis à l'extérieur de la réserve de Mkhaya (sud) quand les rangers leur ont donné la chasse.

Il dit qu'ils lui ont tiré dans le dos.

«Je suis en colère. Si seulement ils nous avaient d'abord alertés, j'aurais peut-être compris», a-t-il indiqué à l'AFP.

Big Game Parks soutient que l'incident a eu lieu après la tombée de la nuit à l'intérieur du parc. Les rangers ne pouvaient pas savoir si les garçons étaient armés ou pas, a expliqué M. Richardson à l'AFP. «Les rangers étaient de toute évidence en état d'alerte, partant du principe que tout le monde est là pour braconner des rhinocéros.»

L'avocate spécialiste de l'environnement Thuli Makama estime que le tireur aurait dû être arrêté, au même titre que les garçons soupçonnés de braconnage. Cependant, depuis cinq ans qu'elle suit des affaires semblables, aucun ranger n'a jamais été poursuivi. «Ils ont leur propre loi», regrette-t-elle.

La veille, un homme âgé serait mort vidé de son sang après avoir été abattu par des employés d'une réserve privée près de Mkhaya. La famille de cet homme a déclaré au journal Swazi Observer qu'il était parti récupérer du bétail errant et n'est jamais revenu.

«Les habitants vivent dans la peur»

Mike Richardson répond que Big Game Parks n'est en aucune façon lié à cette affaire, qui relève selon lui d'une histoire de violation de propriété privée.

La société a de toute façon un «code de conduite strict», souligne-t-il.

«Aucun ranger qui abuse de ses pouvoirs n'est au-dessus de la loi et la police n'a pas besoin de venir l'arrêter, car les gardes de Big Game Parks le font eux-mêmes et livrent le fautif à la police», indique à cet égard le site internet de l'entreprise.

Big Game Parks est cependant une sorte d'Etat dans l'Etat. La société appartient à la famille O'Reilly, qui entretient des relations étroites avec la famille royale, depuis les années 1960.

Ses réserves l'approvisionnement régulièrement en peaux d'animaux pour les nombreuses cérémonies traditionnelles qui marquent le calendrier swazi.

Le roi Mswati III a chargé la société de faire respecter la loi anti-braconnage, dans le but de protéger les «animaux royaux». Et seules huit personnes, la famille O'Reilly et cinq employés, sont autorisées à tuer.

Mais Thuli Makama affirme que «Big Game Parks a aussi délégué ces pouvoirs spéciaux à ses amis, des agriculteurs dans le Lowveld», les basses terres de l'est du royaume.

«Les habitants sont pris en otage et ils vivent dans la peur», soutient l'avocate.

Le Parlement du Swaziland a créé l'an dernier un comité chargé de se pencher sur les accusations de violations des droits de l'Homme résultant de la loi sur la protection des bêtes sauvages. Il n'a pas encore publié ses conclusions.