Le chef présumé d'Al-Qaïda en Afrique de l'est, le Comorien Fazul Abdullah Muhammad, un des acteurs-clé des attentats antiaméricains de 1998 à Nairobi et Dar es-Salaam, a été tué en début de semaine à Mogadiscio au hasard d'un banal accrochage sur un barrage routier.

«Nous avons reçu cette information des autorités somaliennes», a déclaré à l'AFP le chef de la police kényane Mathew Iteere, confirmant des informations d'un haut responsable des insurgés somaliens shebab.

«On nous a dit que deux terroristes avaient été tués en Somalie mercredi. Ils ont été identifiés comme Fazul Mohammed et Ali Dere. C'est ce que nous ont dit nos homologues en Somalie», a déclaré samedi à l'AFP M. Iteere.

«L'un des deux hommes qui ont été tués est Fazul Abdullah, que Dieu bénisse son âme», a déclaré à l'AFP un chef des shebab, sous couvert d'anonymat.

«Il est mort, mais il vit encore pour les milliers de moujahidine qui continuent de combattre les ennemis de l'islam», a commenté ce chef jihadiste.

L'information a été confirmée par une source au sein des services de renseignements somaliens, le NSA: «nous avons confirmé par des tests ADN, réalisés avec nos partenaires, qu'il s'agissait bien de Fazul».

Selon les services de sécurité du gouvernement somalien, les deux hommes ont été tués dans la nuit de mardi à mercredi en périphérie nord de la capitale somalienne lors d'un simple accrochage sur un barrage routier.

«Nos forces ont tiré sur deux hommes qui ont refusé de stopper à un barrage. Ils ont tenté de se défendre alors qu'ils étaient cernés», a expliqué à l'AFP un commandant des forces TFG (gouvernement de transition somalien), Abdikarim Yusuf.

«Nous avons récupéré leurs documents d'identités, dont un passeport étranger», a-t-il précisé.

L'incident a eu lieu vers 2 h locales dans le corridor d'Afgoye, selon une source sécuritaire régionale. Les deux individus circulaient à bord d'un pick-up, chargés notamment de médicaments et d'ordinateurs portables.

Ils se seraient égarés en zone gouvernementale alors qu'ils tentaient de rejoindre les lignes shebab, toujours selon cette même source.

Selon une source somalienne proche de l'enquête, l'étranger était en possession d'un passeport sud-africain, au nom de Daniel Robinson, né en 1971.

Le passeport, émis le 13 avril 2009, indique que son détenteur a quitté l'Afrique du Sud le 19 mars pour la Tanzanie, où il s'est vu remettre un visa de séjour, unique visa qui figure dans le document de voyage.

L'homme était en possession de 40 000 dollars en liquide, et de nombreux téléphones portables. Il venait apparemment de Lower Juba (sud de la Somalie), où il dirigeait un groupe de combattants étrangers sous le nom de guerre «d'Abu-Abdirahman le Canadien», a précisé la même source.

Contrairement à l'usage dans ce genre d'incidents, relativement banal à Mogadiscio, les deux corps ont été collectés par les hommes de la NSA, puis mis à disposition des services américains qui ont procédé à des vérifications d'ADN.

Le deuxième homme serait en fait un Kényan dénommé Mohammed Dere, et non Ali Dere, comme indiqué par erreur par le chef de la police kényane, selon une source sécuritaire à Nairobi, qui précise que les services kényans étaient eux-mêmes en train de procéder à des vérifications ADN.

Des photos prises peu après l'incident montrent le corps ensanglanté, gisant sur le dos, face vers le ciel, ainsi que le 4X4 au pare-brise --visiblement blindé-- criblé d'impacts de balles. Le visage montre des ressemblances avec les clichés de l'avis de recherche diffusés sur internet par le FBI (Federal Bureau of investigation) américain.

Chef présumé d'Al-Qaïda en Afrique de l'Est, Fazul Abdullah Muhammad échappait depuis une dizaine d'années à la traque des Américains, qui avaient mis sa tête à prix pour 5 millions de dollars.

Il était l'un des acteurs-clés des attentats contre les ambassades américaines à Nairobi et Dar es-Salaam, qui ont fait 224 morts au total en aout 1998. Il était également impliqué dans les attentats anti-israéliens de Mombasa (sud-est), qui ont fait 15 morts le 28 novembre 2002.

Cette même année 2002, il s'était vu confier la direction des opérations d'al-Qaïda pour toute l'Afrique de l'Est, selon les services de sécurité américain.

Polyglotte, utilisant au moins une douzaine de pseudonymes, le fugitif était expert dans l'art du déguisement et circulait dans toute la région.

Il combattait depuis plusieurs années dans les rangs des shebab somaliens, qui ont fait allégeance au réseau Al-Qaïda, et était plus particulièrement en charge des volontaires étrangers.

Les shebab entretiennent le plus grand mystère sur ces unités de jihadistes, composées pour l'essentiel de Somaliens de la diaspora et de ressortissants des pays d'Afrique de l'Est, et qui seraient impliquées dans les nombreux attentats suicide perpétrés par la milice islamiste.

La mort du Comorien intervient un mois après celle du numéro un du réseau Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, tué par un commando américain le 2 mai au Pakistan.