Un rapport confidentiel des Nations Unies prévient qu'un nettoyage ethnique pourrait résulter de la prise d'Abyei par les forces militaires du Nord-Soudan, si les dizaines de milliers de résidants qui ont fui la région contestée sont incapables d'y revenir.

Le rapport sur les droits humains, daté du 29 mai et marqué d'une indication de confidentialité, indique le gouvernement du Nord-Soudan pourrait avoir mené une invasion militaire d'Abyei préméditée lorsque l'Armée de libération populaire du Soudan (SPLA) s'y est déployée le 21 mai.

L'occupation de la région par la SPLA, de même que le déplacement de plus de 30 000 personnes de la tribu Ngok Dinkas qui a suivi, pourraient mener à un nettoyage ethnique si les conditions de réintégration de ces résidants ne sont pas mises en place, souligne-t-on dans le rapport, dont l'Associated Press a obtenu copie vendredi.

Les Ngok Dinkas sont des Soudanais noirs qui s'associent au Sud-Soudan. Ils ont fui Abyei lorsque les troupes du Nord-Soudan, et les Misseriya - des éleveurs de bovins arabes et alliés du nord - ont envahi la ville et pillé les maisons.

Le rapport indique qu'entre 15 et 20% des habitations d'Abyei ont été brûlées «délibérément», ce qui constitue une violation du droit international humanitaire.

La fuite forcée des Ngok Dinkas de la région a fait en sorte qu'Abyei est désormais une zone quasi-homogène, occupée par les Misseyria, ajoute-t-on dans le document de l'ONU.

Le rapport souligne qu'il y a nettoyage ethnique lorsqu'une politique «réfléchie» est créée par un groupe ethnique ou religieux en vue de déplacer la population civile d'une certaine zone, en ayant recours à des moyens violents ou terrifiants.

Le document mentionne également que les chances sont «faibles» que tous les résidants Ngok Dinka puissent retourner à Abyei, compte-tenu de la destruction massive des propriétés civiles par les forces nordistes.

Le conseiller du président américain Barak Obama en matière de sécurité intérieure et lutte antiterroriste, John Brennan, sera à Khartoum cette semaine pour discuter la détérioration de la sécurité dans la région d'Abyei. L'émissaire américain au Soudan, Princeton Lyman, a précisé à l'Associated Press, vendredi, qu'il n'est pas possible de renvoyer les Ngok Dinkas à Abyei tant et aussi longtemps que la zone sera occupée.

«Les gens qui ont fui Abyei parce qu'ils étaient effrayés ne seront pas à l'aise d'y revenir», a rapporté M. Lyman.

Le Nord et le Sud-Soudan se sont affrontés pendant plus de deux décennies dans une guerre civile. En 2005, un accord de paix prévoyait un référendum sur l'indépendance du Sud-Soudan. La population a massivement voté en faveur de la sécession, et le Sud-Soudan deviendra un État souverain en juillet.

Les tensions grandissantes entre les deux camps à propos du sort d'Abyei - une région riche en ressources pétrolifères - ravivent le spectre d'affrontements, à quelques semaines seulement de l'indépendance du Sud-Soudan.

L'invasion d'Abyei par les forces nordistes a été accélérée par une attaque des soldats du Sud-Soudan, le 19 mai, contre des soldats du nord et de l'ONU. Deux soldats du nord ont été tués dans cet affrontement, «déclenchant» ainsi la mise en place d'un «plan délibéré» par le Nord-Soudan, selon le rapport de l'ONU.

Le document indique par ailleurs que l'attaque des Casques bleus par les forces du SPLA représente une violation du droit international humanitaire.

L'ONU n'est pas le premier organisme à dénoncer de possibles crimes de guerre par l'armée du gouvernement de Khartoum dans les violences survenues à Abyei.