La ville soudanaise d'Abyei était lundi en proie aux flammes et aux pillages, deux jours après sa prise par l'armée nordiste, que les autorités du Sud-Soudan dénoncent comme une «invasion», faisant craindre une nouvelle guerre civile.

Des milliers de civils ont fui vers le sud de cette région disputée entre le Nord et le Sud, après que les soldats et les chars des Forces armées du Soudan (SAF, armée régulière de Khartoum) eurent pris cette localité, en violation des accords de paix en vigueur.

La Mission des Nations unies au Soudan (Unmis) a condamné «avec vigueur les incendies et pillages qui sont en train d'être perpétrés dans la ville d'Abyei par des éléments armés»et a appelé le gouvernement de Khartoum à intervenir «pour faire cesser ces actes criminels».

Abyei est l'un des principaux points de tension depuis 2005 et la fin de la guerre civile entre le Nord, musulman et arabe, et le Sud, principalement chrétien et noir, à l'origine de deux millions de morts.

Elle est au coeur d'une lutte pour l'accès à l'eau mais aussi de rivalités tribales historiques.

Cette enclave connaît une recrudescence des violences depuis le référendum de janvier sur le Sud-Soudan, marqué par une victoire écrasante de l'option sécessionniste et qui a ouvert la voie à l'indépendance de cette région, prévue en juillet.

La tension est montée d'un cran jeudi soir quand des tirs ont visé les Casques bleus et l'armée nordiste, en violation d'accords qui prévoient le départ des troupes nordistes et sudistes au profit d'une force conjointe.

Samedi, après de violents combats, les SAF se sont emparées de la ville d'Abyei, Khartoum indiquant que ses forces y resteront «jusqu'à la conclusion d'un nouvel accord de sécurité».

Les SAF ont pris lundi le contrôle d'un pont stratégique sur une rivière qui marque désormais la ligne de front avec l'armée sudiste, selon l'Unmis.

A Juba, le ministre de l'Information du Sud-Soudan, Barnaba Marial Benjamin, a dénoncé «une invasion illégale qui viole tous les accords de paix et met en danger la vie de milliers de civils».

Les Etats-Unis, l'Union européenne, la France et le Royaume-Uni ont eux condamné l'intervention, de même que le Conseil de sécurité de l'ONU qui a appelé Khartoum «à cesser son opération militaire et à se retirer immédiatement».

«Il s'agit de violations très graves du CPA (l'accord de paix de 2005, ndlr), qui le mettent en danger», et «nous pensons que ces forces doivent être retirées», a dit l'émissaire américain pour le Soudan, Princeton Lyman.

Le CPA prévoyait un référendum pour permettre à la population d'Abyei de choisir son rattachement au Nord ou au Sud. Il devait avoir lieu en même temps que celui sur l'avenir du Sud-Soudan.

Mais le scrutin a été reporté sine die, les ex-rebelles du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM, sud) et la tribu Dinka Ngok d'un côté, les Arabes nomades Misseriya et le Parti du congrès national (NCP, nord) de l'autre, n'ayant pas réussi à s'entendre sur le droit de vote des électeurs.

Pour tenter de régler cette crise, une délégation des ambassadeurs accrédités auprès du Conseil de sécurité de l'ONU s'est rendue lundi au Sud-Soudan.

«Nous avons clairement signifié aux membres du Conseil de sécurité la nécessité d'une solution politique» pour Abyei, a déclaré l'ex-administrateur d'Abyei Deng Arop, à l'issue de la rencontre, organisée sur une base de l'Unmis à Wau, capitale de l'Etat sudiste du Bahr el-Ghazal.

La veille, le président soudanais Omar el-Béchir avait ordonné la dissolution de l'administration mixte locale, une décision contestée par l'ONU, et les membres du Conseil de sécurité s'étaient entretenus avec une délégation de chefs Misseriya, tribu arabe nomade et alliée locale du gouvernement central dans la région d'Abyei.

Après Wau, la délégation du Conseil de sécurité est arrivée lundi en fin d'après-midi à Juba pour des entretiens avec le président sudiste Salva Kiir.