Les députés ougandais ont repoussé sine die vendredi l'examen d'un projet loi anti-homosexualité prévoyant la peine de mort dans certains cas, et qui avait suscité les protestations internationales, dont celles des États-Unis jugeant le texte «odieux».    

«J'ajourne la session», a déclaré le président de l'assemblée, Edward Ssekandi, au dernier jour de réunion plénière de la session parlementaire, au cours de laquelle le texte contesté était inscrit à l'ordre du jour.

En clôturant de facto la session, M. Ssekandi a mis fin aux spéculations sur un examen du texte, alimentées ces derniers jours par les communiqués alarmants des organisations de défense des droits de l'homme et des minorités sexuelles.

Un comité parlementaire avait tenu des auditions toute la semaine dernière sur ce projet de loi introduit en octobre 2009, ouvrant la voie à son possible examen.

Le texte prévoyait notamment dans sa forme initiale la peine de mort pour le viol d'un mineur par une personne du même sexe ou en cas de transmission du sida lors de relations homosexuelles. L'actuel code pénal prévoit déjà la réclusion à perpétuité pour toute personne reconnue coupable de relation homosexuelle.

L'ajournement de la session parlementaire ne signifie toutefois pas l'abandon définitif de la loi, les députés pouvant décider de son réexamen lors de la prochaine session.

«Au cas où nous aurions besoin de nous réunir à nouveau, nous le ferons», a ainsi prévenu M. Ssekandi.

«Nous devons attendre», a commenté pour sa part le député à l'origine du projet, David Bahati. «Nous avons déjà fait beaucoup en soulevant le débat, et cela continuera», a-t-il assuré.

«Désormais, il est presque certain que le projet ne sera pas examiné» dans l'immédiat, a jugé pour sa part un militant ougandais des minorités sexuelles, Frank Mugisha, mais qui a mis en garde sur un possible réexamen du texte dans le futur.

Selon l'ONG Human Rights Watch, le comité parlementaire avait recommandé aux législateurs de voter le texte prévoyant, comme dans sa version initiale, la peine de mort en cas «d'homosexualité aggravée».

Le comité a par ailleurs suggéré l'ajout d'une nouvelle clause proposant une peine de prison de trois ans pour toute personne «ayant participé à une cérémonie de mariage entre deux personnes du même sexe».

Dans sa première version, le texte de loi prévoyait de punir toute discussion publique sur l'homosexualité, et rendait passible de poursuites les parents, professeurs, médecins d'homosexuels, ou encore un propriétaire qui leur louerait un logement, en omettant d'alerter la police sur leurs orientations sexuelles.

Les partisans du texte surfent sur un sentiment homophobe largement partagé dans la population, illustré par les unes à répétition de certains tabloïds appelant par exemple à «pendre» les homosexuels. Un des militants homosexuels les plus en vue du pays, David Kato, une des cibles de cette campagne, a été tué en janvier dernier, mais la police affirme qu'il s'agissait d'une affaire de droit commun.

Le projet de loi a suscité une très forte réprobation internationale. Les États-Unis -- qui ont apporté l'an dernier une aide au développement de 526 millions de dollars à l'Ouganda -- ont dénoncé un texte «odieux».

Les tentatives de relancer ce projet de loi anti-homosexualité surviennent dans un climat politique relativement tendu par la violente répression par la police de manifestations organisées par l'opposition pour dénoncer le coût de la vie.

La décision du parlement intervient au lendemain de la prestation de serment du président Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 25 ans et réélu largement en février à l'issue d'un scrutin marqué par des fraudes massives selon l'opposition.